Pierre DAUCHIN nous racconte l'histoire de l'église Saint-Martin de Liancourt

L'église Saint-Martin

L'église Saint-Martin (du XIIe au XVIe siècle), place du chanoine Snejdareck : elle présente sous un vaste toit de tuile une nef de la fin de la période romane et ses collatéraux. Il y avait autrefois trois toitures différentes. Le clocher, aux baies lancéolées, et la façade ont été modifiés à partir de 1578, lors de l'édification du chœur, du transept et des chapelles avec leurs caveaux (XVIe siècle). Elle est placée sous le vocable de saint Martin. Sa façade offre une représentation du saint patron, une plaque de métal sculptée où on le voit couper son manteau, sa cape, en deux à l’aide de son épée. Roger du Plessis et Jeanne de Schomberg sont inhumés dans le caveau de la chapelle de face, sans monument ni inscription[31]. L'église possède cinq objets classés : la dalle funéraire d'Hélie Monnet et Catherine Bazar[32], la dalle funéraire de Jacques de Langle et Marie de Auger [33], la dalle funéraire à effigie gravée de Mathurin Serault[34] et les fonts baptismaux[35], tous classés en 1912 et le monument funéraire de Charles du Plessis et d'Antoinette de Pons composé de leur statue de marbre (classé depuis 1886)[

Église Saint Martin de Liancourt

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Plan de l'église

Nef / Monuments aux morts

PAROISSE St Martin de Liancourt à ses ENFANTS MORTS POUR LA FRANCE"

 Guerre de 1914-1918

 ALCADIEN L.

COSSIN G.

GUERNARDA.

PELLETIER R.

APPOURCHAU

CUISSARDV.

GUIBET L.

PETIT M.

BACQ L.

DARRAS E.

HARROUART E.

PETIT R.

BARE H.

DARRAS R.

ILOIS L.

PIGEON P.

BAUDELET A.

DEBAINS A.

LACAILLE J.

POLLE A.

BAUDELET L.

DECAUDAIN G.

LAVIOLETTE H.

POTEL R.

BEAUSSEAUX L.

DELACHAUSSEE P.

LECLERCC.

PROST J.

BELLANGEJ.

DELAMIOTTE H.

LECOMTE G.

PUISIERA.

BLEE A.

DELAPORTE G.

LECOMTE G.

PUISIER J.

BOITEL F.

DELAPORTE S.

LECOMPTE M.

QUINTC.

BONNALC.

DELATTE E.

LEDOUXV.

RAFFING.

BONNEFOIS F:

DELECOLLE G.

LEFEBVREA.

RAULINE E.

BOUDON H.

DES PIERRES C.

LEFEVRE G.

RENARD V.

BOUILLAC E.

DIOT J.

LEFEVRE M.

RICHARDC.

BOUQUET L.

DIOTV.

LEMAIRE G.

RICHARDG.

BOUTILLIER A.

DUBOIS A.

LEROUX E.

RICHARD H.

BOUTROY E.

DROUILLET L.

LlEVOIS L.

RICHARD L.

BOUTRY F.

DUPONT M.

MACKEN E.

SAELENSD G.

BOUVRESSE M

DUQUESNEJ.

MAIRE E.

SARAZIN H.

BRETON 1.

DUVIVIER M.

MARCHANDM.

SIGAUD D.

BRIET A.

EECKELOOC.

MAURICEG.

SORTELLE M.

CANOINE F.

FERRETC.

MERCIERG.

TEINTURIER A.

CARLUER C.

FOURET E.

MERIENA.

THIBAULT A.

CHARYC.

GAILLARD L.

MOREL E.

THIBAULT H.

CHERON L.

GAMBLIN L.

NAZEC.

THIERRY A.

CHICHE P.

GARE 1.

NEYS A.

THIVEL F.

COLIN R.

GEFFROY E.

OBART E.

TIXIER E.

COLLIN L.

GELEEV.

OSSELIN C.

TRONCHET F.

COLMACHE L.

GENTE M.

OURY L.

VERMEILLE E.

COLSON C.

GERMAIN G.

PANCHARDY N.

VICANNE L.

CORDIER L.

GOSSELIN F.

PAPILLON C.

VIGNON L.

CREPIN G.

GOURLAY A.

PARIS A.

WATELIN M.

 Guerre de 1939-1945

Les stèles et inscriptions diverses

Petit glossaire :
Hoir : héritier direct. Libera : chant d'adieu que le prêtre chante à l'issue des obsèques. Marguillier 
conseiller chargé d'administrer les biens d'une paroisse. Obit : service anniversaire pour le repos de l'âme d'un mort. Prône : lecture des annonces, faite chaque dimanche à la messe. Verge : ancienne mesure agraire, carré de 22 pieds de côté, soit 42,91 m2

Chapelle nord -Stèle de fondation de sœur Françoise-Paule Norret (XVIIe siècle)

SOEVR FRANÇOISE PAVLE NORRET, NATIVE DE CE BOVRG DE LIANCOVRT L'VNE DES FILLES DE LA CHARITÉ SERVANT LES PAVVRES MALADES A PARIS ADONÉ AL OEVVRE EGLISE ET FABRIQVE ST MARTIN DVD. LIANCOVRT, LA SOME DE 130"POVR LAQLE A ESTÉ CONSTRVITE 2 RENTES LA PREMIER DE 5" PAR CLAVDE PELLETIER VIGNERON AV D' LIANCOVRT ET MARIE AGNES DE LA PLACE SA FEME ET L'AVTRE DE 30. SOLS PAR FRANÇOIS LE FEBVRE LABOVREVR A VNY ST GEORGES ET CHARLOTTE AVDEMER SA FEME A CONDITION QVE LES MARGF"' DVD' LlANCOVRT FERONT CHANTER ET CELEBRER EN LADTE EGLISE PAR CHACVN AN A PPETVITE POR LE REPOS DES AMES DES PERE ET MERE DE LAD' SOEVR FRANÇOISE PAVL NORRET DE LA SIENE, ET DE SES PARENS. PREMIEREMT 2. OBIITS SOLEMNELS L'VN LE PLVS PROCHIN IOR DEVANT OV APRES LA FESTE DE L'ANNONCIATION DE LA STE VIERGE 25MARS ET L'AVTRE LE LENDEMAIN DE LA FESTE DR ST ROCH 16ED'AOVS SIL SEPEUT, SINON LE PLVS PROCHIN IOVRAPRES. PLVS VN SALVT ENTRE 5 ET 6 HEVRES DV SOlRE LE TOVT ET FESTE DE LA TRANSLATION ST MARTIN 4" IVILLET, LE TOVT AVEC LA SONNERIE ALORDINAIRE ET APRES QVE LANNONCE EN AVRA ESTÉ FAITE PAR MR LE CVRÉ LE DIMANCHE PRECEDENT  AV PROSNE DE LA MESSE PAROISSIALLE OV IL SERAD' LE DEPROFVNDIS. AINSY QV'IL EST PORTE PAR LE CONTRACT DE LADITTE DONNATION PASSE DEVANT ME FRANÇOIS MONNET NORE ROYAL ET TABELLION ESTABLY, AVD' LIANCOVRT LE XVI AVRIL 1687.

 Priez Dieu pour Leurs Ames.

Sœur Françoise Paule Nordet, native de ce bourg de Liancourt, l'une des filles de la charité au service des pauvres malades à Paris, a donné pour le bâtiment de cette église et les revenu de Saint-Martin de Liancourt, la somme de 130 livres tournois, pour laquelle il a été constitué deux rentes, la première de 5 livres tournois, par Claude Pelletier, vigneron et Marie Agnès de La Place, son épouse, et l'autre, de 30 sols, par François Lefebvre, laboureur à Uny-Saint-Georges et Charlotte Audemer, son épouse, à la condition que les marguilliers de la ville de Liancourt fassent chanter et célébrer en cette église, chaque année, à perpétuité, pour le repos de âmes des père et mère de sœur Françoise Paule Norret, de la sienne et celles de ses parents, premièrement: 2 Obits solennels, l'un au jour antérieur ou postérieur le plus proche de la fête de l'Annonciation de la Vierge, le 25 mai, l'autre le lendemain de la fête de Saint-Roch, si possible le 16 août ou, à défaut, le plus proche jour suivant. Plus un salut entre 5 et 6 heures du soir le jour de la fête de la Translation Saint-Martin du 4 juillet, chaque cérémonie sera ordinairement sonnée et aura lieu après avoir été annoncée par Monsieur le Curé le dimanche la précédant, lors du prône de la messe paroissiale, qui fera suivre cette annonce de la lecture du de profundis, conformément au contrat de donation du

16 avril 1687, enregistré par Maître François Monnet, notaire royal et tabellion établi à Liancourt.

Priez Dieu pour leurs âmes.

 Chapelle nord -Stèle funéraire de Mathurin Serault (XVIIe siècle)

CY DEVAT GIST LE CORPS DE MATHVRIN SERAVLT NATIF DE BLOIS VIVAT DOMESTIQ DE MONTSEIGR LE PREMIER ET AVX ESTATS ET  HONEVRS D'AMBLEVR DE LA PETITE ESCVRIE DV ROY, ET AIDE A LA FRVITERIE DE LA ROYNE Q AAGÉ DE TRENTE TROIS ANS DECEDA AV CHAY. DE LIENCOVRT LE 710R DE MAI 1611 AIAT LEGVÈ PAR SON TESTAMET SOIXANTE LIVRES TZc POVR ESTRE EMPLOIÉES E HERITAGES AV PFICT DE LA FABRICQ DE CEANS, A LA CHARGE DE FAIRE CHATER ET CELEBRER A PREIL IOR DE SO DECEDS CHVN AN A TOVSIORS VN OBIIT VIGILES RECOMADACES ET DEVX MESSES L'VNE DE L'OFFICE NRE DAME L'AVE DES 3TSPASSEZ LE LIBERA SVR LE TOMBEAV A LA FI DE LA MESSE CE Q SERA RECOMADE P LE CVRE A SO PROSNE LE DIMENCHE DE DEVANT.
PRIEZ DIEV POVR SON AME

 L'aueugle et fourde mort, e la fler de fo aage
A Mathurin ferault, d'icy bas enleué.
Cefte vie 0 mortelz n'est qu'u pélerinage
Ceux q vivet le moins l'ot plutoft acheué.

 FA SENLIS P IAQVES FRANÇOIS TVMBIER

Prières et l'autre partage 

Prières

Des nombreux miracles accomplis par l'évangéliste des campagnes, celui du levraut réfugié dans sa robe, qu'il sauva en frappant d'immobilité la meute de ses poursuivants, inspira une bien jolie prière :

" Grand saint Martin, si mon âme était poursuivie par des lévriers infernaux, commandez-leur de s'arrêter et ils s’arrêteront ; et daignez ensuite appeler mon âme errante, elle volera à vos pieds plus légèrement que le levraut ! "

Au début du siècle, l'oraison prononcée le 11 novembre était la suivante : " 0 Dieu, qui avez été glorifié par la vie et par la mort du bienheureux Martin, pontife, renouvelez dans nos cœurs les merveilles que vous opérâtes en lui par votre grâce, afin que ni la mort ni la vie ne puissent jamais nous séparer de la charité de Notre Seigneur Jésus Christ, qui vit et règne dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il. "

L'autre partage ...

Le11 novembre, jour de la Saint-Martin, jour de l’Armistice ou Victoire de 1918, sont également fêtés : en Phrygie, saint Mennas, soldat et martyr, et à Lyon, saint Véran (V" siècle), évêque de Vence. On fête aussi ce jour-là les Vérane...

Les fêtes de la Saint-Martin, ou " Martinales " 

Remarque : le début novembre est une période charnière pour les paysans ; c'est, en quelque sorte, le début de la nouvelle année agricole. Le blé est engrangé, le vin fermenté ; le budget est bouclé. C'est l'occasion de remercier Dieu de la saison achevée, de se récompenser des efforts avant les rudes labeurs du cycle nouveau. C'est, en outre, l'époque du renouvellement des baux. La Saint-Martin est enfin dans certaines régions, pour le personnel agricole, la date bénie des payements, des changements de domestiques et de fermiers. Dans l'Europe paysanne d'alors, c'est le parfait contexte pour les réjouissances ! Celles-ci portent un nom : les Martinales.

Plus présentes dans la mémoire de nos pères que dans les dictionnaires, les Martinales correspondaient à la période du 1 er au 11 novembre, du début du mois à la Saint-Martin. Fête du vin, dégustations ... en Touraine, bien sûr, mais aussi et surtout en Alsace, car les vignerons du bord du Rhin furent les premiers à se placer sous l'invocation de l'évêque. Fêtes pittoresques, comme dans la Bresse, où la foire des domestiques de Bourg voyait filles et garçons solliciter en chantant leurs engagements pour la saison nouvelle. Fêtes folkloriques, comme à Dunkerque, quand la ville reconnaissante reconstituait 1'anecdote des pilleurs d'épave délogés par l'âne de Martin, confondus par l'apôtre, et condamné par le bailli : en procession, saint Martin précédait un âne empanaché, suivi par deux mannequins représentant les naufrageurs, qui étaient brûlés devant la statue de Jean Bart. Fêtes des enfants qui, en Artois comme en Wallonie, vont quêter de porte en porte qui des gâteries, qui des bouts de bois pour allumer le soir venu le feu de la Saint-Martin, à l'égal de celui de la Saint-Jean. Fêtes populaires, chants profanes aux contours religieux, dont l'un des plus entonné, en Belgique, se souvenant que Martin avait un jour partagé son manteau, s'inquiète de son inconfort et dit : " Fais du feu, attise le feu, voici venir saint Martin avec son bras nu ; il voudrait bien se chauffer, se chauffer jusqu'à quatre heures. "

Le jour de la Saint-Martin, enfin, après la messe, c'était le grand, gras et plantureux repas à base d'oies rôties. Dans les fermes du pays, toute la " maisonnée" se retrouvait à le partager de la manière la plus joyeuse et la plus vorace. Comme toutes les grandes fêtes, celle-ci fut parfois rabelaisienne ("À la Saint-Martin, mon cousin, nous nous marierons peut-être" promet avec malice la chanson champêtre ...) et certains n'ont pas hésité à en conclure qu'elle empruntait au paganisme.

Le carême Saint-Martin. Or, cette profusion, ce débordement de réjouissance de cette échéance est assez logique car dès le lendemain, 12 novembre, s'ouvrait une période de jeûne et d'abstinence préparatoire à la fête de Noël, qu'on appelait le" petit carême" ou " carême Saint-Martin". Aussi ces divertissements étaient-ils encouragés par l'Église.

Pourquoi tous les ânes s'appellent Martin 

Martin se rendait à la vigne de Rouge-Mont, plantée depuis peu, et sa taille était défectueuse. Tandis qu'il parlait avec les moines vignerons de leur travail, son âne se mit à brouter un plant de vigne. Martin dissuada ses moines de lui donner du bâton. Il leur ordonna de ne pas toucher à la plantation que broutait l'âne, et de tailler celle d'en face. À la récolte, la vigne des moines était ridicule, celle de l'âne splendide. Pour louanger sa monture, l'évêque imposa qu'à sa mort, les moines lui donnent son nom. C'est pourquoi, depuis ce temps, tous les ânes s'appellent Martin.

L'envie et l'avarice 

Envie passe avarice, dit le proverbe. Son origine est un fabliau : un avare et un envieux rencontrèrent Martin. Celui-ci leur dit : " Que l'un de vous me demande ce qu'il veut, lui accorderai sur-Le-champ. Quant à l'autre, je Lui donnerai le double de ce que le premier aura demandé. " Aucun des deux ne voulant parler le premier, ils se disputèrent et l'avare menaça d'assommer l'envieux. En colère, ce dernier se décida à parler, non sans avoir prévenu son compère qu'il n'y gagnerait rien ! Il fit le vœu ... d'être borgne ! L'avare devint aveugle ...

Quelques aventures et légendes Martiniennes 

Le défi aux Germains

Le soldat Martin, qui ne voulait plus servir que Jésus-Christ, avait demandé sa liberté à l'armée. Le temps qu'elle la lui accorde, les Germains avaient fait irruption dans les Gaules. Pour les combattre, on rassembla les troupes. Certains reprochèrent à Martin de quitter l'armée la veille d'une bataille. Soupçonné de lâcheté, il demanda à paraître à la tête des combattants, sans arme ni bouclier, et à marcher sur l'ennemi sans autre défense que le nom de Jésus-Christ et le signe de croix. On le lui accorda. Or, la nuit même, les Germains demandèrent la paix. Le lendemain, Martin s'en allait rejoindre saint Hilaire.

Le rapt

Martin n'avait pas particulièrement envie de devenir évêque, pas du tout ! Retiré près de saint Hilaire, il dissuada son ami de l'ordonner diacre, n'acceptant qu'un rôle d'exorciste. Sa vie aurait pu demeurer éternellement monacale si sa réputation de faiseur de miracles n'avait fini par inciter le peuple à le choisir pour occuper le siège épiscopal de Tours. Pour le tirer de son monastère, plusieurs personnes prétextèrent qu'un malade réclamait sa bénédiction. À peine Martin avait-il franchi la porte que le groupe s'en saisit, et c'est solidement ficelé qu'il fut conduit à l'évêché et contraint d'accepter sa charge ! On sait avec quel zèle il l'occupa...

Le combat avec le diable

À proximité du village d'Assevilliers (Somme), sur une aire de l'autoroute Al, on peut voir une pierre marquée des sabots du cheval de saint Martin, lorsqu'il combattit le diable. Dans les creux laissés par l’arrière-train de la monture stagne de l'eau. Si son niveau baisse, cela annonce une sécheresse. On y remarque également une rainure où le saint homme posa son fouet. Hier encore, on y faisait venir les chevaux atteints de coliques. Ils guérissaient après avoir fait trois fois le tour de la pierre et bu dans le creux où s'était désaltéré le cheval de Martin.

Une curieuse mésaventure

Saint Martin et saint Eustache, partis d'Amiens, se rendaient à Flesselles (Somme). Le cheval de Martin heurta une pierre et tomba. Eustache continua son chemin et arriva le premier à Flesselles dont il devint le patron. Martin dut aller évangéliser plus loin, à Naours (Somme). La pierre retardatrice porte toujours l'empreinte d'un fer à cheval.

D'autres empreintes

L'empreinte de saint Martin se retrouve à Pommier (Aisne), près de Soissons, sur une roche dite " Pas de Saint Martin ". On la voit également à Autrèches (Oise), où la " Pierre Saint Martin" guérit les malades qui en font trois fois le tour.

Le signe et l'arbre

La méthode d'évangélisation de Martin était simple : arrivé dans un village, il faisait abattre le temple et arbres sacrés. Contesté dans une bourgade pour la rigueur de sa démarche, il se fit attacher à la place où devait tomber l'un de ces arbres. Alors que celui-ci vacillait, il Ie détourna d’un signe de croix.

Le baiser au lépreux

Après avoir évangélisé le Maine et l'Anjou, Martin se dirigea vers Paris. À la porte de la ville, déjà, les encombrements étaient gigantesques. Ils tenaient autant aux entrées et sorties des charrettes qu'à la présence gênante d'un horrible lépreux dont tout le monde s'écartait. Martin s'approcha de lui et, à la stupéfaction de tous, embrassa publiquement le malade qui guérit aussitôt.

Le cep

Saint Martin mourut à Candes, appelé pour apaiser une discorde entre moines Poitevins et Tourangeaux. Réunis pour le veiller, les moines Tourangeaux profitèrent de l'assoupissement de leurs frères Poitevins pour enlever le corps de l'évêque. Seul demeura le cep sur lequel il s'appuyait, et que l'empereur, jadis, lui avait donné en le faisant centurion. Le jardinier du couvent, frère Berton, assura que ce cep était tombé à ses pieds et qu'une voix lui avait demandé de le planter. Ce qu'il fit. À peine mis en terre, il racina et quelques feuilles montèrent. Ce cep a donné naissance à une variété de cépage, le Berton, du nom du frère jardinier qui le planta en l'an 397. De ce Berton coulent encore le Bourgueil et le Chinon.

La fontaine de vin

Le vin, une année, manqua en Touraine. Pour rendre l'espoir à tous les vignerons, Martin trempa de ses mains trois petits raisins dans la fontaine Marmoutiers, transformant en bon vin l'eau de la source.

Le rempart des Tourangeaux

Les Vikings étaient aux portes de Tours. Ils poussaient leurs barques dans les marais situés entre le Cher et la Loire, à l'endroit où la ville n'était défendue que par une vieille muraille gallo-romaine. Les défenseurs, impuissants, les voyaient desceller le rempart. Alors les prêtres portèrent sur les murs la châsse et les reliques de saint Martin. Aussitôt, les Normands s'éloignèrent. Chaque année, le 12 mai, les Tourangeaux font au-dessus de la brèche des Normands la pieuse ostension des reliques Martiniennes.

Martin et le langage 

De nombreux noms et locutions font référence à Martin. Les plus courants sont les suivants: Faire le prêtre Martin (se répondre à soi-même ou faire une chose et son contraire -Au XVe siècle, on appelait prêtre Martin le prêtre qui disait seul la messe, tenant à la fois le rôle de l'officiant et celui du répondant) -Un Martin ou Martin-bâton (un bâton, ou un garde du corps) -Tous les ânes à la foire s'appellent Martin (un seul indice ne suffit pas à affirmer une chose) -Pour un point Martin perdit son âne (toute affaire peut échouer pour un détail) -Connaître l'été de la Saint-Martin (pour un homme d'âge, avoir un retour de jeunesse) -Le mal de Saint Martin: l'ivrognerie (on goûte le vin nouveau le 11 novembre) -Les martin-trinche, ou " coup d'automne", étaient le nom donné aux premières libations du jus septembral chez les vignerons du bord du Rhin -L'Alsace, fidèle gardienne des traditions, ne déguste jamais le vin nouveau sans croquer en même temps une martinsbrestell-Les Cornes de Saint Martin sont des sortes de croissants que les enfants Bretons offrent en guise de vœux à la Saint-Martin (les Celtes ne connaissaient que deux saisons: la chaude, de mai à novembre, et la froide, de novembre à mai) -Etc.

Les dictons de la Saint-Martin (11 novembre) 

" À la Saint-Martin, glace au matin. " -" À la Saint-Martin, glace sur le purin. " -" À la Saint-Martin, goûte le nouveau vin et laisse l'eau au moulin. " -" À la Saint-Martin, faut goûter le vin ; Notre-Dame après, pour boire il est prêt. " -" À la Saint-Martin, l'hiver en chemin. " -" À la Toussaint commence l'été de la Saint-Martin. " -" À l'été de la Saint-Martin est sot qui ne boit du vin ; est âne deux fois qui trop en boit. " -" L'été de la Saint-Martin dure trois jours au moins. " -" Le temps du jour de Saint-Martin est de l'hiver le temps commun. " -" Quand il pleut le jour des Reliques et vente à décorner les biques, survient le grand Saint-Martin qui, pour trois jours, sèche le chemin. " -" Saint-Martin, saint Tourmentin. " -" Si tu veux avoir du grain, sème ton blé à la Saint-Martin. " -" Si l'hiver va droit son chemin, vous l'aurez à la Saint-Martin ; s'il n'arrête tant que quant, vous l'aurez à la Saint-Clément. Et s'il trouve quelque encombrée, vous l'aurez à la Saint-André ; mais s'il allait ce que vay ne l'ay, vous l'auriez en avril ou may. " -" Tue ton cochon à la Saint-Martin et invite ton voisin. " -"Vent et pluie à la Sainte-Sylvie, tout va de mal en pis... à moins que Saint-Martin ne sèche le chemin. " Etc.

Saint Martin, patron de la paroisse

Saint Martin est né en Hongrie, à Szombathkley, vers 316. On le représente en officier romain de la garde impériale, tranchant d'un coup d'épée sa chlamyde (cape militaire) pour en offrir la moitié à un pauvre. Cette scène se passa à Amiens et eut pour lui une suite inattendue car, le lendemain, il vit en rêve le Christ revêtu de son manteau et disant à son Père" J'avais froid, mais Martin m'a réchauffé. " Aussitôt, il se fit baptiser et quitta l'armée pour une vie d'ermite. En 360, appelé à Poitiers (Vienne) par saint Hilaire, ils fondèrent le monastère le plus ancien des Gaules : Ligugé. Martin le dirigea dix ans avant de devenir évêque de Tours.

À cette époque, la chrétienté n'était implantée que dans les villes. On doit à Martin la christianisation des campagnes païennes, principalement l'Anjou, la Beauce, le Berry, la Touraine, etc.... jusqu'au Luxembourg ! Évangélisation, construction d'églises, de monastères, implantation de prêtres, " l'apôtre des Gaules " réalisa une œuvre gigantesque dont il mourut d'épuisement, à Candes (Indre-et-Loire), le 8 novembre 397. On peut aujourd'hui la mesurer en songeant que 485 localités françaises portent son nom et que 3667 églises lui sont dédiées, dont 113 dans l’Oise ! Dix siècles durant, saint Martin (le premier sanctifié sans avoir été martyr), que Sulpice Sévère (son disciple qui a écrit sa vie) tenait pour" l'égal des Apôtres ", fut considéré comme le plus grand saint de France et... du Paradis.

Saint Martin et l'âne. Comme Jésus, Martin voyageait sur un âne. Martin, lui, légua son nom à son compagnon de route (voir plus loin Pourquoi tous les ânes s'appellent Martin). Jusqu'au Moyen-âge, les chrétiens (que les romains appelaient jadis les asinarii, c'est-à-dire les adorateurs de l'âne), ont associé le Christ et sa monture (sa forme animale). Chaque année était dite une messe de l'âne (assez particulière, où l’animal, présent, était richement vêtu, et dans la liturgie de laquelle on concluait prières et lectures par un étonnant hi-han 1... ) qui précédait la fête des fous. Ce culte rendu à l'âne le consacrait en tant que symbole de la connaissance. C'est en tant que tel qu'on le voit abondamment représenté aux tympans des cathédrales. C'est aussi pour cette qualité que l'on coiffe le cancre du bonnet d'âne. Ce geste, devenu infamant en même temps que laïque, a été détourné de son sens originel : il s'agit d'un acte symbolique tendant à faire entrer dans une tête vide la connaissance qui lui manque, en plaçant l'esprit déficient dans un endroit de recueillement symbolisé lui aussi par la solitude du piquet. Saint Martin, patron des ânes, est donc désigné comme un maître de la connaissance, un grand initié.

Saint Martin et l'oie. L'oie constituait hier encore le mets fondamental et traditionnel du " repas de la Saint-Martin ". Cette condamnation de l'oiseau aux fours et aux brasiers a deux explications : la première accuse les oies d'avoir trahi la présence de Martin lorsqu'il s'était caché parmi elles pour échapper à ses poursuivants qui voulaient lui imposer la mitre, la seconde leur reproche d'avoir troublé l'évêque dans une prédication ...

Parmi ces 113 églises Saint-Martin de l'Oise ... l'une est exceptionnelle. En l'évoquant, Henri IV disait" elle est la plus belle lanterne de mon royaume ". Dressée sur le plateau picard, cette église abbatiale a de l'extérieur des allures de Beauvais et, à l'intérieur, des grâces de Sainte Chapelle. Saint-Martin de Ruricourt (aujourd'hui Saint-Martin aux Bois), fut construite à la fin du XII/' siècle pour les chanoines réguliers de Saint Augustin. Elle témoigne de l'importance de l'ancienne abbaye de Ruricourt, détruite à la Révolution, qui connut son apogée l'an 1500 avec l'abbé Guy de Beaudreuil. L'ampleur de cet édifice (dont la hauteur sous voûte est de 27 mètres !) en cet endroit déserté est un mystère. Il marque à n'en pas douter un lieu capital, mais lequel ? Si près d'Amiens, l'esprit se plaît à imaginer que ... c'est peut-être ici que Jésus se révéla en rêve à Martin ... c'est peut-être ici que Martin reçut le baptême ... ?

les autres saints Martin: outre l'évêque de Tours, l'Église honore principalement trois autres Martin: le pape Martin 1er (v.590-655) le 12 novembre, le dominicain péruvien Martin de Porrès (XVI-XVII siècles) le 3 novembre, et le diacre Martin de Vertou (527-601) le 24 octobre.

Un officiant d’exception : saint Vincent de Paul 

Beaucoup de gens d'Église passèrent par Liancourt. Des Jansénistes persécutés par les Jésuites y trouvèrent asile. Et puis ... on y rencontra un certain Monsieur Vincent, ancien aumônier des galères, missionnaire, appelé à Liancourt pour y étudier la fondation d'une communauté de Lazaristes. Saint Vincent de Paul, puisqu'il s'agit de lui, vint souvent à Liancourt, bien que le projet de sa communauté n’aboutît pas. Certes, il venait rendre visite au père Bourdoise de la congrégation de Saint-Nicolas, qui avait, en quelque sorte, pris la place des Lazaristes, mais la raison principale était autre. L'affaire de Port-Royal tournait mal, et les relations étaient particulièrement tendues entre Monsieur de Liancourt et son confesseur ordinaire, M. Picoté, ainsi qu'avec le curé de Saint-Sulpice, sa paroisse. Vincent de Paul venait aplanir les difficultés qui les opposaient. Entre 1650 et 1655, on a pu le voir plusieurs fois passer dans le carrosse du duc. Il couchait à la communauté de Saint-Nicolas, en face de l'église où il disait la messe.

Liancourt et l'affaire de Port-Royal. Le 29 octobre 1709, le lieutenant Civil d'Argenson et sa troupe envahissent le monastère de Port-Royal (actuel département des Yvelines) et déportent quelques vieilles religieuses. Deux ans plus tard, il ordonne sa destruction et fait déterrer les morts inhumés dans le cimetière et dans l'église 1. Comment, en terre chrétienne et au siècle des lumières, a-t-on pu en arriver là ? Incroyable histoire que celle de cette petite abbaye qui va, deux siècles durant, bouleverser l'esprit, la religion et la politique !

Tout commence au XIII' siècle par une communauté de religieuses qui suivent la sévère règle cistercienne. En 1609, une jeune abbesse, Angélique Arnaud, réforme la règle et obtient de ses religieuses une exceptionnelle réussite spirituelle et des vocations nombreuses. À 42 ans, elle rencontre l'abbé de Saint Cyran et sa pensée originale : le Jansénisme. Il est en effet l'ami de l'évêque néerlandais Cornélius Jansen, qui défend les idées de saint Augustin. Saint Cyran diffuse l'exposé écrit par Jansen : l'Augustinus. Affirmant que l'Homme est un être prédestiné, le message janséniste s'oppose au libre arbitre que privilégient les Jésuites. Or, chez un être prédestiné, toute liberté d'action et de pensée n'est soumise à aucune loi hors celle de Dieu ... L'affirmation d'un christianisme intransigeant qui refuse toute compromission avec le monde soulève les partisans du pouvoir royal absolu, qui voient dans ces " irresponsables "des opposants politiques. Les antijansénistes les plus acharnés sont d'abord Richelieu, puis Mazarin. La régente Anne d'Autriche elle-même somme le pape de condamner comme hérétiques 5 propositions de l'Augustinus. Le ton monte ...

 Et l'incident advient : en février /655, l'Église refuse l'absolution au duc de Liancourt. Ce " solitaire" dont la petite fille Jeanne Charlotte du Plessis est élevée par les Jansénistes, appartient à la communauté des " Messieurs de Port-Royal " qui accueille les hommes de toutes conditions renonçant à leurs qualités pour vivre, près du monastère, de pauvreté, de travail, de réflexion, de prière et d'enseignement. Le duc crie son indignation. Vincent de Paul intervient. Le Grand Arnaud, frère de mère Angélique, bondit sous l'injure et publie deux lettre critiques. On lui intente un procès en Sorbonne. Pascal s'en mêle et publie Les Provinciales, suite de 18 lettres hostiles aux Jésuites. Louis XIV, devenu roi, expulse les religieuses. Pourtant, l'opinion publique et quelques évêques parviennent, en 1669, à apaiser les esprits. Port-Royal recouvre une période de prospérité. Les élèves reprennent le chemin des " Petites Écoles ". Parmi eux : Lancelot et Racine qui viennent ici recevoir l'enseignement cartésien. Aussi Philippe de Champaigne, un " ami du dehors ", qui y exerce le seul art toléré par les Jansénistes : la peinture. De compétences en influences, l'esprit de Port-Royal acquiert un prestige qu'apprécient les intellectuels, forçant même l'admiration de Bossuet ou du royaliste La Fontaine.

 Mais ni les Jésuites, ni M'me de Maintenon, ni Louis XIV ne cèdent. Ils décident d'une mort lente de l'institution en interdisant tout recrutement de novices. La patience manque au grand roi qui obtient du pape une bulle d'Extinction et fait procéder au coup d'autorité du 29 octobre 1709. Les Jansénistes sont persécutés. Fénelon lui-même s'en offusque. Le pouvoir s'acharne sur le père Quesnel. Le pape est pressé le promulguer une condamnation, la bulle Unigenitus, célèbre par son ambiguïté et qui va pourrir la vie religieuse française pendant plus de trente ans ! Louis XV et le cardinal Fleury poursuivent la persécution. Les idées augustiniennes passent le l'élite au peuple et se politisent. Le drame s'amplifie, qu'un autre drame chasse : la Révolution. Le mouvement janséniste prendra fin au Concordat de 1802 qui regroupe tous les catholiques autour du pape.

Problème fondamental que celui de l'Homme, sa liberté et son destin ! Drame exemplaire que celui de la conscience individuelle face aux pouvoirs ecclésiastique et politique ! C'est pour s'être emparé de ces thèmes éternels, pour avoir affirmé qu'il vaut mieux obéir à Dieu qu'aux hommes, que Port-Royal résonne encore et nourrit toujours la réflexion de nos grands auteurs contemporains.

Quelques curés originaux 

Le père Bourdoise

À la suite des guerres de religion, beaucoup de congrégations s'établirent dans les campagnes. Destinées à attaquer le mal dans sa racine et redonner foi à des âmes égarées dans la pagaille ecclésiastique du XVI" siècle, elles ne tardèrent pas à se combattre 1Dans cette mêlée de sectarismes où s'engluaient seigneurs et évêques, le duc et la duchesse de Liancourt, jansénistes, affichèrent une remarquable tolérance. Roger du Plessis-Liancourt demanda à son ami, Vincent de Paul, d'établir à Liancourt une communauté de ses Prêtres de la Mission. Elle ne se réalisa pas. Il appela alors le père Bourdoise et sa Congrégation de Saint-Nicolas. Trois prêtres, dont la mission était d'aider le curé et de tenir les écoles, s'installèrent en face de l'église, dans la maison sise au 2, place Chanoine Snejdareck (bâtiment du XVII< siècle, édifié en 1638, partiellement démoli en 1937), qui fut longtemps le logement de médecin de l’hospice et des instituteurs adjoints. Florissante, cette congrégation s'était donné pour but de rétablir l'ordre et la décence dans les églises paroissiales. C'est ainsi que, pour réformer quelques abus, M. Bourdoise dut souvent venir à Liancourt...

Deux choses lui tenaient à cœur : l'exactitude du clergé et des fidèles à fréquenter les ég1ises paroissiales, et l'assujettissement des ecclésiastiques au port de la soutane. Les anecdotes suivantes illustrent bien l'es-

Il se trouvait à Liancourt lors du passage du roi Louis XIV. Dans l'impossibilité de loger au château, la communauté fut assignée comme logement aux aumôniers de la cour. Ces derniers se présentèrent dans leurs habits de voyage. Pointilleux jusqu'au bout du chapelet, le père Bourdoise refusa l'entrée à ces" civils", rappelant que la communauté était réservée pour des aumôniers ... Ils durent, au grand amusement des princes, changer de costume et se représenter en habits longs.

 Comme Monsieur de Liancourt le plaisantait sur cette anecdote, le duc s'entendit répondre : " Monseigneur, quand vous irez à la cour sans cordon bleu (marque distinctive des officiers de la maison du roi), je recevrai à la communauté les ecclésiastiques qui ne portent pas les marques de leur caractère. "

Le lendemain, à son instigation, la reine régente, qui avait souhaité entendre la messe à l'église paroissiale, se présenta avec une suite nombreuse. Quelques personnalités n'étant pas particu1ièrement assidues au saint office, il les interpella vertement. Mais le brouhaha reprit. Le père Bourdoise interrompit la messe et pria la reine Anne d'Autriche de leur imposer silence !

Pour contraindre les prêtres invités à Liancourt à fréquenter l'église paroissiale plutôt que la chapelle du château, il imposait que cette dernière soit fermée durant leurs visites. Et, pendant leurs séjours, il engageait l'évêque de Belley à dire la messe à la paroisse !

À Monsieur et Madame de Liancourt qui, selon la coutume de l'époque, avaient offert à l'église calice et ornements sacerdotaux frappés de leurs armes, il leur dit : "Vous traitez le Roi des rois, que le prêtre représente à l'autel, comme un laquais, en lui faisant porter votre livrée ! " Les armoiries de Liancourt furent aussitôt enlevées de tous les objets du culte.

Son intransigeance remplit sa vie de traits analogues. Le Père Bourdoise ne prétendait-il pas avoir lui-même appris aux chiens du duc de Liancourt à attendre leur maître sur le seuil de l’Eglise ? Quant à saint Vincent de Paul, qui tentait de modérer son zèle, il le traita de " poule mouillée, à l'image de ses amis " ...

L'abbé Cartier

Il fut principalement le curé de la Grande Guerre. Du 1er novembre 1914 au 31 janvier 1919, il rédigea 98 " Petits journaux" à l'attention des combattants et, pour eux, organisa chaque jour  ( sauf deux ) une veillée de prière dans l'église. S'il a laissé le souvenir d'un homme aux indéniables qualités de générosité et de dévouement, il a aussi laissé celui d'un homme intransigeant, voire sectaire, bien calé dans l'affrontement que se faisaient, au début de XXe siècle, " gens d'Église" et " libres penseurs".

L'abbé Trousselle

" Pas d’accord ! proteste Gaston Touselle, je ne veux pas être dirigé sur l'intérieur avec la Réserve sanitaire; ma place est à l'avant! " . Les membres du Bureau du camp de Châlon se concertent. Curieux homme ! Un réserviste qui insiste pour aller au casse-pipe, en période de mobilisation... Le soleil de ce mois d'août 1914 lui a chauffé la tête ; Enfin !... Le Bureau lui demande d'attendre la première place libre dans une des formations de l'avant. Ce sera à l’ambulance 9-6 (ge ambulance du 6< corps d'armée), rattachée au train sanitaire de la 40° division. La section soignera des milliers de blessés, inhumera des charretées de morts lors des affrontements de Véry, de Courcelles-sur-Aire, de Chaumons-sur-Aire, de Longchamps, de Troyon ; de Vadelaincourt, etc. Une enquête militaire de 17 ans aboutira, en 1935, à reconnaître Gaston Touselle, devenu curé-doyen de Liancourt, comme " réunissant les conditions requises pour obtenir la carte de combattant " ...

" En avant ! En avant pour votre bonheur, au prix de ma vie ! " C'est par ces mots d'allant et de sacrifice qu'il s'était présenté aux paroissiens de Liancourt, le 23 avril 1922. Un peu emphatique, oui, mais il se fondait dans l’esprit de l'homme à qui il succédait : le chanoine Cartier, important acteur de la Grande Guerre. L'abbé Trousselle, d'une forte personnalité et aux états de service de guerre éloquents (maladie reconnue d'origine de guerre, deux citations, croix de guerre avec palme et insigne de guerre italien), devait très vite apporter la preuve que cette succession difficile n'était pas impossible.

On doit à l'abbé Trousselle la rédaction de notre premier journal paroissial, l'Écho Paroissial de Liancourt, imprimé par Evrard, à Liancourt, en date du 15 mars 1927. Une" feuille qui se présente timidement ", dira son rédacteur, dans la première phrase d'une édition (l feuille recto-verso) si indécise qu'elle ne porte même pas le N°L C'est peu dire qu'elle allait considérablement évoluer... 137 mois plus tard, le 15 août 1938 paraissait le 43" et ultime Écho (4 pages). La publication s'arrêtait avec le départ de son rédacteur-gérant. En marquant" dernier numéro" à la place de N° 43, l'abbé Trousselle annonçait avec malice que rien ne serait plus tout à fait pareil après lui....

Les relations de l'abbé Gaston Élisée Trousselle et du maire Léonce Faure furent épiques. Dans les années qui précédèrent 1936, la guerre des idées faisait -toujours -rage. En témoigne l'anecdote suivante : le vendredi 6 mars 1930, les murs de la ville furent couverts d'une note reprochant à l'Église " d'étendre ses tentacules " et proposant d'offrir enfin à la jeunesse une" éducation saine où il n 'y a plus de mystères". Immédiatement, l'Écho paroissial (N°7 du 14.09.30), dans un article intitulé Masques bas, répliqua en opposant que l'enseignement religieux satisfaisait" la claire intelligence d'un Foch et l'esprit sagace d'un Pasteur ", et avertit les familles du risque de contamination " par la gangrène du communisme et de l'athéisme" ... Des mots somme toute assez doux comparés à ceux dont on usait couramment à la fin du XIX· siècle, alors que, pour les mêmes désaccords, on se battait dans les usines, quand

" Liancourt était infesté d'une bande de calotins tenus en laisse par les abbés". Émile Zola, dès 1885, dans Germinal, avait donné le ton : " Liancourt s'est taillé des soutanes d'enfants de chœur dans les vieux drapeaux". Un mot d’auteur…

 L'abbé Snejdareck

Il s'installa à Liancourt le dimanche 2 août 1942 en qualité de curé doyen. Un orage, comme seul peut en déclencher l'été, empêcha d'aller chercher en procession le nouveau pasteur. C'est seul, à pied, que l'abbé se rendit à l'église où l'attendaient le chanoine Charpentier, doyen de Chantilly, le chanoine Guesnet, doyen de Chaumont-en-Vexin, l'abbé Cugnière, doyen de Nanteuil, le maire de Liancourt, Jacques Paul Soulier, entouré de son conseil, et Jacques Floquet, représentant des paroissiens. L'église était bondée. Ses anciens paroissiens de Remy et de Clermont durent rester dehors. À la fin de l'office, le chanoine inaugura un geste original que reprendront ses successeurs : il se rendit à la porte de l'église et tendit la main à chaque assistant. Quelques jours plus tard, le 20 août, tous les foyers Liancourtois recevaient, par courrier, le salut de leur nouveau curé.

" Relevez les coins ! " répétait le chanoine ; les coins des lèvres, bien sûr ... "Souriez ! " Lui-même, dont le visage était dur, savait l'heureux éclairage que peut lui donner un sourire, et le sien lumineux. L'homme paraissait toujours balancer entre bonté et rudesse. Gentil jusqu’au sacrifice, critique jusqu’à l'impolitesse, exigeant jusqu’à la brusquerie, Charles Snejdareck réussissait l'exploit d'être à la fois en marge et en texte.

La marge : une misogynie très remarquée, qu'il tenait peut-être de son ancien passage à Clermont, en qualité d'aumônier de l’asile psychiatrique et de la prison pour femmes. Il semble qu'il n'en supportât qu’une : sa sœur, une sainte femme qui était … sa servante. Il dominait ses vicaires, et avait sur ses fidèles une autorité certaine. Malheur à qui arrivait en retard à la grand-messe -très protocolaire -du dimanche ! S'il était en chaire à ce moment-là, l'abbé arrêtait son sermon et, depuis sa position élevée, indiquait parfois aux retardataires les places

Le texte : une action quotidienne d'esprit et de cœur, le souci permanent de servir dans les plus pauvres et les plus vulnérables de ses brebis. En 1943, il hébergea et cacha dans les combles de l'église des personnes recherchées, ou désignées pour le service du travail obligatoire. Si des occupants assistaient à la messe, il entonnait le cantique Catholiques et Français toujours ! À la Libération, le 1er septembre 1944, c'est en uniforme de lieutenant d'infanterie que les Liancourtois purent le voir parmi les éléments chargés du maintien de l'ordre après le départ des derniers éléments allemands. Il y avait été invité par la gendarmerie et le président de la commission municipale : Paul Sarouille. Dans les semaines qui suivirent, enfin, quelques Liancourtois lui durent le " confort" d'avoir tempéré certaines ardeurs vengeresses ...

Charles, François, Eugène Snejdareck (1901-1985) était Chevalier de la Légion d'Honneur et avait de nombreuses décorations, dont la Croix de Guerre 1939-1945. Il fut nommé chanoine honoraire le 20.11.1944..

le clergé de Liancourt

(Depuis le rétablissement du culte en 1804)

  1. Abbé Dizengremel de 1804 à 1826 Depuis décembre 1821, devenu impotent, il fut suppléé par l'abbé Ferry, curé de Bailleval, qui desservait Liancourt en qualité de prêtre administrateur. Il demeura néanmoins curé de Liancourt jusqu'à sa mort dans cette ville, le 16 juillet 1826. Il est inhumé au cimetière communal.
  2. Abbé Ferry de 1826 à 1852 Il ne fut nommé curé de Liancourt que le 30 juillet 1826. Il a donné sa démission en août 1852 et s'est retiré en qualité de vicaire auxiliaire à l'Isle-Adam, où il est décédé le 27 avril 1861. Le 30 avril, il était inhumé à Liancourt. Une rue de Liancourt Porte son nom.
  3. Abbé Rogeau de 1852 à 1854 Promu archiprêtre de Noyon.
  4. Abbé Morelle de 1854 à 1890 Décédé à Liancourt.
  5. Abbé Delasalle de 1890 à 1907 Il s'est retiré, épuisé, au petit doyenné de Marseille-en-Beauvaisis. Abbé Cartier de 1907 à 1922 Promu archiprêtre de Clermont. Abbé Trousselle de 1922 à 1938 A choisi de terminer sa vie dans la règle cistercienne.
  6. Abbé Leroux de 1938 à 1942
  7. Abbé Snejdareck de 1942 à 1960 Promu curé-archiprêtre de Senlis. Une place de Liancourt porte son nom.
  8. Abbé Vélu de 1960 à 1966 Nommé à Ribécourt.
  9. Abbé Gazeau de 1966 à 1987 S'est retiré à Nogent, à la maison de retraite St Vincent de Paul. On lui doit la réfection intérieure de l'église.
  10. Abbé Raymond Louchart 1987-2012louchart
  11. Abbé Loïc Corlay 2012-2016corlay
  12. Abbé Christophe Faivre 2016-m DSC0631

Quelques repères et anecdotes ...

Prières ininterrompues. Durant toute la durée de la Grande Guerre, l'abbé Cartier organisa dans l'église une veillée de prière quotidienne à J'attention de nos combattants. Ces veillées ne furent interrompues que deux journées, au tout début du conflit, lorsque nos troupes " en repli stratégique " s'arrêtèrent à Liancourt...

La croix et la bannière ... Il fut un temps où il ne faisait pas bon sortir une bannière à Liancourt ; gare à la loi du 18 germinal An X et aux articles 94 et 97 de celle du 5 avril 1884 ! C'est ce que rappelle le conseil municipal du 15 mai 1891, qui précise que, hormis pour les enterrements, les cérémonies du culte sont interdites sur le territoire de Liancourt, et que les contrevenants seront déférés aux tribunaux. Signé Edmond Jolidon, maire, et contresigné par Beaucaire, conseiller de Préfecture. Rien de moins !
Trente ans ont passé ... Après le drame de la Grande Guerre et J'immense fraternité des survivants, qui peut encore croire à ces dispositions vieillottes ? Arthur Debeaupuis, maire de Liancourt ! Le 5 mai 1921, il fait tenir copie conforme de l'ancienne délibération municipale (non abrogée) au curé Octave Cartier, lui interdisant de sortir une bannière pour lui faire ... traverser la rue ! 1922, nouveau curé : Gaston Trousselle. 1925, nouveau maire : Maxime Aurélien Duhamel. Comme le rappelle la presse de l'époque, " M. le Maire est pressé de se faire connaître ". Anticlérical comme son prédécesseur, il s'appuie sur les mêmes textes désuets pour dresser contravention aux petits communiants qui vont de la salle du catéchisme à l'église. Trajet : 50 mètres. La même semaine, il verbalise les petites sœurs de l'Assomption, soignantes des pauvres, qui quêtent aux abords de l'église. Arrive la Fête Dieu. La procession doit traverser la place pour se rendre dans la propriété voisine des La Rochefoucauld. M. Duhamel note " avec sagacité" que le cortège doit emprunter la voie publique sur une longueur de 26 mètres et 30 centimètres, ce qui est proprement intolérable ! C'est en vain que son conseil municipal lui objecte que" mécontenter pour si minime violation d'un arrêté remontant à 1891 une partie importante de la population, c'est risquer de fermer bien des bourses aux tombolas ou aux de certaines sociétés". Rien n'entame la détermination du maire. Le garde champêtre, tout le long de la fête, harcèle les enfants qui vont à l'église prendre leurs emblèmes. " voilà comment se dressent les contraventions à Liancourt ", conclut le journaliste.

Sainte promesse. Le 1" juin 1944, jour de la clôture du mois consacré à Marie, l'abbé Snejdareck formule au nom de la paroisse la promesse suivante : si la paroisse est épargnée, elle offrira à la vierge un ex-voto consistant en une statue, réduction de celle de l'église (ND de Miséricorde), et destinée à remplacer celle qui est portée en procession. Liancourt est épargnée. La statue est exécutée en 1945 par M. Leblanc, de Senlis, et exposée dans l'église dès le 2 février. Elle est portée en procession dans Liancourt le 2 septembre, 1 et anniversaire de la libération. Cette petite vierge à l'enfant y est toujours demeurée ; elle est exposée à l'angle nord du chœur et du transept.

Passage de ND de Boulogne. Le dimanche 22 décembre 1946, à 15h30, un millier de personnes se rassemblent au pont de la Brèche pour recevoir la Vierge qui vient de Rantigny. Malgré le froid (température : -8° C), cortèges et cérémonies ponctuent cette journée. À l'église, ND de Boulogne est veillée et honorée toute la nuit. À 9h, un cortège conduit

la Vierge jusqu'à la côte d'Angicourt où elle est reprise par la paroisse de Verderonne.

Transfert de corps. Le 17 juin 1949, à 15 h, la dépouille exhumée du duc de La Rochefoucauld-Liancourt entre au caveau de son petit-fils, au cimetière de Liancourt. Né le 11 janvier 1747, il était décédé à Paris le 27 mars 1827, et avait été inhumé dans une chapelle funéraire dans le parc du château. Assistent à la cérémonie : le duc de La Rochefoucauld, le maire Charles Maine, le doyen Snejdareck (qui a béni les restes du duc), et une délégation des anciens élèves des Arts et Métiers. Prêtre Liancourtois. L'abbé Jean Marchand, enfant de Liancourt, est ordonné prêtre le 29 juin 1950 à la cathédrale de Beauvais. Le dimanche 2 juillet, il célèbre à Liancourt sa première messe solennelle, assisté de la mission de 1950. Une grande Mission eut lieu à Liancourt sur l'initiative du chanoine Snejdareck. Dirigée par les pères missionnaires Louis-Joseph, Dominique, Alexandre et Anselme, elle couvrit la période du 2 au 9 décembre 1950 pour une semaine de fraternité durant laquelle se succédèrent fêtes, spectacles, cérémonies, processions, conférences, visites et méditations. ...

Le chœur et l'abside 

C'est un ensemble majestueux sous de hautes voûtes en croisées de cintres qui dans l'abside, reposent sur des corbeaux aux deux croisillons nord et sud. Cette élégante arcature, qu'un effet de parallaxe peut confondre avec des ogives faiblement élancées, est la plus haute (16 m) dans l'abside. Comme dans les chapelles, les armes des du Plessis, sous forme d'écus, se répètent à chaque croisée de voûtes, à l'exception de celui du chœur, qui s'en est détaché.

L'abside, polygonale, possède trois hautes fenêtres terminées en plein-cintre, formant un triptyque de vitraux qui représentent les trois moments majeurs de la vie et la mort de Martin : la révélation, le sacerdoce et la sanctification. Ils sont datés de 1871 et, comme les vitraux de la chapelle nord, proviennent les ateliers du maître verrier M. Bazin et C', au Mesnil Saint-Firmin. La révélation est traduite par le soldat voyant en rêve le Christ revêtu de la moitié de son manteau, le sacerdoce montre l'évêque à l'eucharistie, et la sanctification son accueil parmi les saints du Paradis.

L'abside et le chœur sont ornés de marbres gris et roses. Cette décoration du XVIIe siècle n'hésite pourtant pas à répéter partiellement l'ornementation extérieure (festons, guirlandes, etc.) du siècle précédent. Certains lambris de marbre, affectés par l'humidité, ont été remplacés par des revêtements de stuc (mélange de chaux, de poussière de marbre et de craie), technique qui a été abondamment employée pour le sanctuaire et les premiers piliers du chœur. Bien des amateurs d'art sacré pensent que l'église de Liancourt, comme beaucoup d'autres, a été" victime d'une époque", et auraient préféré à cette décoration lourde la simplicité d'aspect des murs de pierres.

Le maître-autel, en marbre rouge, a la particularité d'avoir un tabernacle en marbre blanc. Cette différence est une conséquence de la précipitation avec laquelle le culte fut rétabli après la Révolution. Cet autel, commandé dans un matériau et une couleur en rapport avec la décoration du chœur, remplaça très vite un premier autel provisoire, en bois. Mais on oublia de livrer le tabernacle ! On alla donc quérir un tabernacle d'occasion, provenant probablement de la démolition de l'église Sainte Geneviève, à Senlis. Il était blanc, mais on l'adapta ... Il porte deux dates, au dos : 1725 et 1728.

Jusqu'en 1966, une statue de la vierge (Notre-Dame de Miséricorde) dominait l'autel. Elle était la réplique en plâtre d'une vierge en pierre qu'elle avait remplacée au XIX· siècle, l'original ayant été cédé au musée du Louvre. Elle provenait du prieuré de Wariville, commune de Litz, en lisière de la forêt de Hez, et avait été à l'église par Jacques Isoré (1758-1839), ancien député à la Convention, qui vint finir ses jours à Liancourt.

Un "regrettable accident". Lors des travaux de 1966 commandés par le chanoine Gazeau, la grande vierge de l'autel, "accidentellement " bousculée par l'entrepreneur, tomba et se rompit en mille morceaux. On la remplaça par la grande croix du banc d'œuvre, plus fine, et qui n'occultait pas le vitrail central de l'abside. Un échange que chacun s'accorda à juger avantageux ...

Dans le chœur se trouvaient autrefois des stalles, offertes en 1725 par Jean-Baptiste Le Preste, chanoine de Sainte-Geneviève. Elles ont été supprimées, ainsi que leurs grilles d'entourage, en 1966, lors des travaux d'agrandissement et de remise à niveau du pré-chœur. Un autel de célébration mobile et très sobre, fut placé, rapproché des fidèles, pour un office leur faisant face.

Les transformations de 1966 (ou les surprises d'un conseiller qui " voit grand "). Le concile Vatican li l'a dit clairement : les chrétiens forment un peuple, ils doivent se rapprocher ; le culte doit être communautaire. À Liancourt, le conseil paroissial du 19 octobre 1965 saisit l'occasion de la réforme liturgique pour réaménager l'église. On peut résumer l'esprit de ces travaux en disant qu'il s'agit de supprimer les séparations entre l'officiant et les fidèles. L'autel de célébration doit être plus proche ; il sera avancé sur un pré-chœur dégagé de ses stalles et mis au même niveau que les chapelles. Cette disposition, en outre, mettra en valeur majeur, sur le tabernacle duquel sera placée une croix. Le même esprit de rapprochement et d'égalité suggère de supprimer la chaire et le banc-d ‘œuvre. Cette position, bien qu'acceptée, est retardée. Le consultant en architecture sacrée (dont le nom n'est pas à retenir) propose ce même jour de ranger au grenier les statues de Jeanne d'Arc, Antoine, Joseph, ND de Lourdes, ainsi que" l'immense "crucifix, "l'énorme "horloge de l'orgue et deux " importants "tableaux trop grands pour l'église...

Les chapelles 

Débordantes au nord et au sud, elles donnent à l'église sa forme de croix latine. Carrées, elles ont été traitées avec une majesté particulière que traduisent leurs grandes dimensions au sol (47 m2), leurs larges baies et leurs élégantes voûtes en croisée de cintres (celle du nord est légèrement affaissée). Ces voûtes s'appuient sur de riches colonnes d'angle. Les deux faces des chapiteaux des quatre colonnes de la chapelle sud présentent un visage d'enfant, qui, dans la chapelle nord, n'est curieusement répété qu'à la colonne nord-est et à la seule face sud de la colonne nord-ouest. Chacune possède, en allège de la grande fenêtre axiale, un monument de marbre blanc et noir, avec cartouche central (portant les initiales AP d'Antoinette de Pons) et flanqué de deux niches (monuments historiques). Les armes des du Plessis sont répétées aux croisées de cintres. Ce luxe de décoration tient au fait que les chapelles reçoivent les caveaux des princes.

Au nord ont été inhumés Charles du Plessis (en 1620) et son épouse Antoinette de Pons (en 1632), au sud Roger du Plessis (en 1674) et son épouse Jeanne de Schomberg (la même année). Le caveau du nord reçut en outre le corps du janséniste Toussaint Desmares, curé de Rantigny (en 1687), tandis que celui du sud, dès 1669, accueillit la dépouille d'Agnès du Plessis, cinq ans avant... ses grands-parents paternels ! Cette jeune femme, décédée à 23 ans, était l'épouse de François VII de La Rochefoucauld, et belle-fille de François VI, l'auteur des Maximes.

Charles du Plessis (1545-1620), était seigneur de Liancourt, Angicourt, Cambronne, Catenoy, Cauffry, Laigneville, Mogneville, Rosoy et Verderonne. Il était également comte de Beaumont-sur-Oise, marquis de Guercheville, baron de Montlouët et de Gallardon. Protestant, " premier escuyer en ses escuries "du roi Henri IV, conseiller d'État et privé du monarque, chevalier d'honneur de la reine mère, il fut gouverneur de Metz et de Paris.

 Antoinette de Pons (1560-1632), marquise de Montfort et de Guercheville, veuve (depuis 1586) d'Henri de Silly, comte de la Roche-Guyon, était première dame d'honneur de la reine Marie de Mèdicis, à qui elle recommanda (en 1614) de prendre comme secrétaire-directeur l'évêque de Luçon : Richelieu. Neuf ans plus tard, l'imminent grand ministre de Louis XIII faisait raser le château de Pons ! Princesse d'Acadie et des Territoires D’Amérique du Nord, elle était la fille d'Antoine l, sire de Pons, conseiller du roi, gouverneur de Saintes, de Montargis et du Saintonge, protecteur de Bernard Palissy.

Une femme au destin extraordinaire. Antoinette de Pons plaisait fort à Henri IV, qui la poursuivit de ses assiduités " sans résultat ", précisent les aimables chroniqueurs. Soit. Le Béarnais, dès lors, jusqu'à son assassinat en 1610, lui voua respect et considération, au point qu'elle devint conseillère intime et écoutée de la reine, et titrée Protectrice des missions d'Amérique. Antoinette, très influente depuis la régence de Marie de Médicis, prit son titre très au sérieux, et réunit les finances pour aider Monsieur de Poutrincourt, seigneur d'Acadie, dont elle obtint les droits sur son territoire de la Nouvelle France, avec l'aide bienveillante et très intéressée de ses protégés et fondés de pouvoir : les jésuites. Louis XIII, devenu roi, la confirma princesse d'Acadie et, par deux lettres royales, lui fit don des territoires d’Amérique du nord, du Canada à la Louisiane ! À la tête de son gigantesque empire (les territoires des futurs États-Unis), elle ne put résister aux harcèlements des Anglais, qui dispersèrent les colons de 1608, sans parvenir à éteindre totalement une culture française qui se remarque encore aujourd'hui.

Roger du Plessis (1598-1674), fils de Charles du Plessis et d'Antoinette de Pons, Pair de France, seigneur de Liancourt, marquis de Guercheville, comte de Beaumont, fut premier gentilhomme de la Maison du Roi (Louis XII1) (1622), colonel du Régiment de Picardie (1623). Il était beau, élégant, brave, adroit, franc, libéral. Mais il était aussi dépensier, grossier, râleur, débauché, querelleur. Pour une question de femme, il n'hésita pas à croiser le fer avec de Schomberg, son beau-frère, malgré les édits royaux. Il le provoqua en duel... dans la chambre même du roi ! Ce toupet lui valut de se faire disgracier et de perdre ses charges. Sous le règne suivant, il fut député aux États-Généraux de Chaumont-en-Vexin (1651), bailli et gouverneur de Clermont-en-Beauvoisis (1660). Il quitta définitivement la cour du roi Louis XIV pour s'installer à Liancourt, au nouveau château (construit en 1640), dans " le plus vaste et le plus attrayant jardin de l'Europe" avant Vaux-le Vicomte et Versailles.

Jeanne de Schomberg (1600-1674), la " dame de Liancourt ", était destinée au fils de Sully. Mais la mort d'Henry IV et la disgrâce du grand ministre empêchèrent cette union. Son père lui désigna pour époux le stupide comte de Brissac ... auquel elle résista si bien que l'Église annula le mariage. En 1620, enfin, elle put choisir l'homme de son cœur : Roger du Plessis-Liancourt, aussi bel homme que faible de culture, mais l’amour.  ... Elle avait 20 ans, lui, 22. Il avait des plaisirs d’homme : les femmes et la guerre. Débauché, brillant soldat, il se distinguait aussi bien dans les alcôves qu'au commandement du Régiment de Picardie. Il aimait les courtisanes et le luxe. À ces torts, Jeanne répondit en tentant de le retenir dans un cadre que, pour lui, elle voulut brillant et exceptionnel : le château de Liancourt, "tout ce qu'on pouvait faire de beau pour les eaux, les allées et les prairies, et tous les ans elle y ajoutait de nouvelles beautés ", dit Tallemand des Réaux. Jeanne, pour son mari, rassembla à Liancourt la meilleure société (l'abbé Boileau, le cardinal Richelieu et sa nièce, la duchesse d'Aiguillonn, le prince de Condé et sa fille, la future duchesse de Longueville, son fils, le duc d'Enghien, très lié avec le jeune comte de la Roche-Guyon, fils unique du duc et de la duchesse de Liancourt et, par deux fois, toute la cour du jeune roi Louis XIV,

dont la reine régente et le cardinal Mazarin) ainsi que les commodités les mieux adaptées aux exercices et aux jeux. Rien n 'y fit. Le duc de Liancourt, quoi que témoignant beaucoup de respect à sa femme, persistait à lui refuser son affection unique. Madame de Liancourt, généreuse, allait jusqu'à payer les bijoux que son mari offrait à ses maîtresses ! Toute sa vie, elle l'entoura des soins les plus tendres, même dans les moments où la petite vérole l'obligea au repos. Vers l'âge de quarante ans, la duchesse tomba malade. Le duc renonça à ses désordres, et tous deux s'appliquèrent à une vie de vertus. Ils se consacrèrent aux pauvres. À 74 ans, Jeanne de Schomberg, duchesse de Liancourt, mourut d'une hydropisie de poitrine le 14 juin 1674. Le 1" août suivant décédait son époux. Ils avaient 54 ans de mariage.

Toussaint Desmares (?-1687), curé de Rantigny, fut un janséniste notoire, qui eut l'honneur d'être reçu par le pape Innocent X.

 Jeanne Charlotte-Agnès du Plessis-Liancourt (1646-1669) était la fille d'Henry-Roger du Plessis et d'Anne-Elisabeth de Lannoy. Son mariage avec son cousin issu de germains, François VII, prince de Marcillac, troisième duc de la Rochefoucauld, marqua la seconde alliance des la Rochefoucauld et des du Plessis. Elle fut élevée par sa grand-mère, Jeanne de Schomberg, qui écrivit pour elle un " règlement de vie, donné par une dame de qualité pour Madame sa petite-fille.

     Les Révolutionnaires, en application de la loi du 11 frimaire an II (1er décembre 1793), relevèrent les six cercueils pour en récupérer le plomb ! Les ossements qui demeurent dans le caveau nord semblent n'appartenir qu'à un squelette. De même, quelques ossements sont encore dans le caveau sud.

Dans la chapelle du nord, en alignement du collatéral, le pilier porte la stèle funéraire, (pierre du XVIIe siècle) de Mathurin Serault (monument historique). Sous la baie nord se trouve la stèle de fondation (XVIIe siècle) de sœur Françoise Paule Norret. La baie nord présente

 un vitrail représentant saint Joseph, œuvre de Ducler datée de 1870. Le vitrail de la baie ouest est de la même année, et présente la Vierge en majesté. Ces deux vitraux proviennent les ateliers du maître verrier

  1. Bazin et Cie, au Mesnil Saint-Firmin. Sous cette dernière fenêtre, un autel (avec une double pierre de consécration) sert de support à deux jolies statues (H 1,10 m) de Joseph et de Marie (avec son enfant debout sur un globe noir) qui flanquent un grand tableau de Deully, d'après Murillo, daté de 1882, représentant une Vierge à l'enfant. Cette répétition (vitrail, statue, tableau) de Marie fait parfois appeler la chapelle nord : la chapelle de la Vierge.

Les vitraux des baies de la chapelle sud ne sont pas ornementés. Sous la baie de l'est, un meuble en enfilade supporte une tapisserie récente représentant la Scène. Sous la fenêtre du sud se trouvent les orants de Charles du Plessis et son épouse Antoinette de Pons (monuments historiques). Ils sont représentés en grandeur naturelle, en costumes Henry IV, à genoux sur leurs prie-Dieu blasonnés. Tous deux portent la fraise empesée ; l'homme le grand manteau avec la croix du Saint-Esprit, la femme le grand voile sur une robe à manches bouillonnées, mode qui permet de dater cette œuvre entre 1620 et 1625. Elle est de Nicolas Guillain (1580-1658).

Une pose insolite. Les personnages tournent la tête vers l'assistance. Cette curiosité tient au fait que les statues ont été changées de place. À l'origine, elles se trouvaient sur les cercueils des personnages qu'elles représentent, dans la chapelle nord. Leurs regards se portaient alors logiquement vers le chœur. Cette transposition (1854) fut rendue nécessaire à cause de l'humidité dont les statues souffraient au nord.

Ce transfert n'a été possible que par l'absence de statues dans la chapelle sud sur les corps de Roger Duplessis et de Jeanne de Schomberg. Des statues (orants 7) de ces deux personnages ont elles existé 7 C'est probable, et celles-là pouvaient parfaitement être du sculpteur Nicolas Coustou (1658-1733), comme l'indique l'arrêté de classement du 12 juillet 1886. Que sont-elles devenues 7 C'est un mystère. Mystère également que la disparition tardive (1966) du confessionnal, remplacé par un simple prie-Dieu dans l'angle sud-ouest de cette chapelle.

Le transept 

Il est dans l'alignement des collatéraux. Cette nef transversale qui, généralement, donne aux églises leur forme de croix, laisse ici cette fonction aux grandes chapelles débordantes. Le transept se différencie d'autant plus difficilement de la nef principale que son revêtement de sol est le prolongement de ceux du corps central et des bas-côtés. Ne le distingue que les voûtes (en croisée de cintres) de ses bras et de sa croisée, et ses deux baies d'extrémité.

 Sur son pilier nord-est, prolongeant ceux du bas-côté, est apposée la stèle funéraire de Marguerite de Langle et de ses enfants. Comme l'ensemble des stèles, celle-ci est du XVIIe siècle. Le bras sud est percé d'un portillon donnant accès sur l'extérieur par un petit couloir longeant la chaufferie. Les baies reçoivent de simples vitraux sans ornementation particulière.

La nef

Elle comporte trois travées. La plus à l'ouest forme l'entrée, sa partie haute reçoit la tribune d'orgue. La troisième travée, jusqu'en 1966, accueillait la chaire au nord et le banc-d ’œuvre au sud. La chaire, du XVIIIe siècle, était intéressante et présentait un escalier dont la rampe, rappelant les grilles du chœur, était un beau travail d'acier forgé. L'officiant prêchait face à la grande croix surmontant le banc-d ’œuvre. Chaire, escalier, grilles, banc-d ‘œuvre ont été supprimés en 1966. On ignore ce qu'ils sont devenus. Seul le grand crucifix a été préservé. Il domine aujourd'hui le maître-autel. La suppression de la chaire et du banc-d ‘œuvre a dégagé un espace transversal qui présente, en regard, le portillon latéral nord et l'accès à la sacristie.

La voûte centrale, en berceau, s'appuie sur un large entablement soutenu par des pilastres. Les lustres qui y pendaient ont décrochés en 1967. Comme les autres meubles, ils ont disparu. Leur destination est demeurée inconnue. Le sol de la partie centrale (à l'exception de la première travée) est revêtu d'un carrelage contemporain identique à celui du pré-chœur.

Sur les piliers se remarquent les croix de consécration (elles attestent que non seulement l'église a été bénie, mais consacrée). Elles sont au nombre de douze, et symbolisent les apôtres, piliers de l'Église. Liancourt n'en possède plus que sept. Leurs emplacements dans la nef (partie ancienne) et dans le chœur (parie tardive) indique que cette consécration concerna la nouvelle église, après les agrandissements du XVIe siècle. Les litres (peintures murales portant les armoiries du seul seigneur châtelain) ont toutes été effacées.

Le bas-côté (ou collatéral) du nord est plus long que celui du sud, rétréci de la tour du clocher. Jusqu'aux travaux de 1966, ils recevaient un chemin de croix aujourd'hui disparu.

Le collatéral nord est le plus riche. À sa fenêtre d'ouest, un vitrail présente saint Martin, patron de la paroisse. Daté de 1968, et il est dû aux mêmes créateurs que ceux qui éclairent les fonts baptismaux, et il répète le même chromatisme puissant. Le soldat Martin y est représenté, dans le geste célèbre de la séparation de son manteau. Légèrement détachée de l'allège, une pierre gravée de (H 0.86 m x L 2.10 m), posée sur un socle mouluré, donne la liste des 159 enfants de Liancourt tombés lors des deux guerres mondiales et des conflits d'outre-mer. Ce monument aux morts, souhaité par le chanoine Gazeau, fut édifié en 1967. Une plaque (portant la date du 11 11 1989) sur le pilier adjacent, témoigne la gratitude des Anciens combattants pour celui qui fut curé de la paroisse de 1966 à 1987, et qui dépensa sa fortune personnelle pour la réhabilitation de l'intérieur dc l'église.

Les deux fenêtres nord reçoivent de simples vitraux sans ornementation particulière. En remontant ce bas-côté en direction du chœur, on découvre trois stèles funéraires du XVIIe siècles apposés sur les piliers de la nef : la première, en pierre, est celle des époux Jacques de Langle et Marie Auger (monument historique) ; la seconde, également en pierre, appartient aux époux Hélie Monnet et Catherine Bazard (monument historique) ; la troisième, sur le dernier pilier, est celle de Jean Le Blancq.

Le bas-côté sud ne possède aucun meuble particulier. Une seule fenêtre l'éclaire. Deux portes donnent accès, l'une à l'escalier du clocher, l'autre à la sacristie. C'est devant cette dernière que, lors des travaux de chauffage de 1965, furent inhumés des ossements appartenant à des inconnus. La voûte des collatéraux, comme celle de la nef centrale, est également en berceau. Mais elle repose ici sur un entablement plus fin. Le sol est en pierre.

Le clocher 

Il dégage, sous sa tour, immédiatement à droite de l'entrée, une petite pièce carrée de quatre mètres de côté. Son élégante voûte d'ogive, d'un style très pur, comporte huit arcs qui viennent soutenir, en son centre, la lumière circulaire du passage des cloches. L'électrification de ces dernières a libéré, au sol, l'espace du sonneur, et on y a transporté les fonts baptismaux (monument historique). Ces fonts, d'un élégant ovale (1,48 m x 0,90 m), sont en pierre sculptée ornée d'oves. Ils sont d'époque Renaissance et datés de 1553 (date qui peut également se lire 1533). Ils portent, au nord, les armes de Guillaume du Plessis, rappelées au sud en juxtaposé avec celles de son épouse Marie-Françoise du Ternay.

1533 ou 1553 ? Le mariage de Guillaume et de Marie-Françoise, en 1527, peut laisser supposer qu'ils commandèrent ces fonts à l'occasion du baptême de leurs descendants, ce qui porterait à retenir la date de 1533. D'un autre côté, la mort de Guillaume du Plessis, en 1530, peut avoir incité sa veuve ou leurs enfants à commander ces fonts, en guise d'hommage et en signe de foi. Dès lors, il faudrait retenir la date de 1553. Graphiquement, cette dernière est plus plausible. Sur une œuvre d'art de cette qualité, on est surpris de voir cette date gravée à main levée, sans souci de composition. On peut songer que cette date a été ainsi ajoutée pour mémoire, car aucun " client "princier n'aurait accepté ce travail peu soigné.

     Guillaume du Plessis (1491-1550) fut ambassadeur en Suisse sous le règne d'Henri II. Après la diplomatie, il devint Maître des Eaux dans le comté de Clermont. En 1539, il réforma la Coutume du Beauvoisis qui datait de 1283. Ce travail servira de base pour tous les textes réglementaires du royaume.

Ces fonts sont éclairés par deux fenestrons. La lumière du sud souligne le fort chromatisme des vitraux qui les habillent. L'un représente le passage de la Mer Rouge, et l'autre Jean baptisant Jésus. Ils sont l'œuvre de Didier et Marie-France Avenel, maîtres-verriers à Compiègne, qui les créèrent en 1968.

Accolé à la tour, un petit escalier sénestrogyre haut de 25 marches donne accès au premier niveau du clocher (on monte ensuite par des échelles jusqu'à l'entablement). Son accès originel, par la tour du clocher, a été bouché et reporté en tout début du collatéral sud.

Les cloches. Les premières habitantes du clocher s'appelaient Alexandrine-Marie (910 kilos), Françoise-Marie (675 kilos) et Louise-Marie (508 kilos). Bénies le 5 octobre 1753, elles furent déposées par les révolutionnaires. Le clocher resta muet jusqu'en 1846, année où arrivèrent leurs remplaçantes : Françoise (1075 kg Mi), Gaëtane (780 kg -Fa) et Stanislas (540 kg -Sol dièse). Françoise eut pour parrain Charles Dancourt et pour marraine Zénaïde de Restignac, duchesse de Liancourt. Gaëtane est la filleule de Gaëtan de la Rochefoucauld-Liancourt et d'Uranie Breton (sœur Saint-Ange), supérieure de l'hospice. Stanislas fut parrainé par le juge de paix Nicolas Boulanger et sa marraine, Mme Colin, dame Pervillé, l'offrit en souvenir de son fils Stanislas, mort à vingt ans.

L'électrification des cloches. Le 11 octobre 1957, le conseil paroissial de Liancourt se réunit de toute urgence en session extraordinaire. Que se passe-t-il ? M. Lldis vient d'annoncer au chanoine que, dès le 1er novembre, il abandonnait les fonctions de sonneur qu'il exerçait depuis dix-neuf ans. L'église muette 1 ... Revient, avec une actualité brûlante, la vieille question de l'électrification des cloches. C'est cher : 550.000 F. Comment financer les travaux ? Kermesse, emprunt, souscription ? Un conseiller, le Colonel Noaille, propose" comme cela se fait en beaucoup d'endroits " de solliciter une subvention de la ville. Violente réplique du doyen Snejdareck qui objecte " qu'on n'est pas ici dans un pays d'unanimité religieuse, qu'une pareille demande pourrait être très discutée par une partie notable de la population et que, enfin, l'église n'aurait plus son indépendance vis-à-vis de la ville ". Et toc ! L'imprudent colonel peut se vanter de s'être fait... sonner les cloches. La discussion est âpre ; elle dure cinq heures. Finalement, le conseil opte pour la souscription. Elle est ouverte deux jours plus tard.

Du côté de la mairie, les choses traînent. Ce n'est que le 27 janvier 1958 que le maire donne son autorisation pour l'électrification, bien qu'il joigne ses compliments pour l'initiative de cette modernisation. Dès le 18 février la maison Mamias, de Gagny, entreprend les travaux ... avec un petit supplément de 80.000 F pour le remplacement du mouton de la grande cloche. Mais l'argent de la souscription rentre. L'électrification est terminée le mardi 25 février, à 20 heures. Toute la journée du mercredi, les Liancourtois entendent les essais de sonneries : les trois cloches en volée et en tintement, angélus et glas (pleureux) automatiques. Le mécanisme est inauguré le dimanche 2 mars, avant la grand-messe. Remarquons que rares sont les occasions d'entendre le glas "à la satisfaction générale " !

Accueil de L'église

L'église peut accueillir 350 personnes assises (194 dans la nef, 136 dans les chapelles et une vingtaine dans les bas-côtés). Une cinquantaine de personnes pouvant en outre largement tenir debout dans l'entrée et les collatéraux, c'est, au total, une assistance de 400 personnes qu'elle peut réunir.

La première impression ...

L'édifice est assez sombre et le regard, en entrant, est immédiatement attiré par la lumière et les couleurs des vitraux de l'abside, de l'autre côté de l'édifice. Pour le profane, une agréable sensation de profondeur à laquelle le croyant ajoute, sous forme symbolique, la conscience de sa longue marche vers la perfection.

L'extérieur

L'église a des dimensions agréables : 34 mètres de long, 15 mètres de large, 16 mètres de hauteur sous voûtes, 32 mètres à la pointe du clocher. Son plan est régulier, en forme de croix latine, mais son originalité tient à ses deux parties distinctes : le corps principal Renaissance et le clocher de style ogival français. Les contreforts des collatéraux, de technique " gothique ", participent à l'aimable liaison des deux styles. Vu du parvis, sa façade en pignon intègre sans heurt le clocher tangent, carré, solidement arc-bouté. Trois cloches logent derrière les hautes fenêtres à meneau géminées en tiers-point et terminées par des ajours, qui portent les abat-sons. Au-dessus du portail Renaissance, sur le chapeau en arc surbaissé, une large baie identique à celles du transept et des chapelles remplace, depuis le XVIe siècle, l'œil-de-bœuf originel. Car l'église a été fortement transformée en 1578, du temps de Charles du Plessis. Ces modifications sont peut-être consécutives aux incendies qui ravagèrent les églises au XV· siècle, ou que les Espagnols allumèrent encore au siècle suivant. Il est probable qu'elles ont également été voulues par les seigneurs de l'époque, soucieux d'embellir ce qui devait constituer leur dernière demeure. Selon l'usage, ils finançaient au moins le banc d'œuvre, tandis que la taille, à laquelle le peuple était assujetti, payait l'entretien de la nef et du clocher.

À l'église du XIVe siècle, qui comprenait le clocher, la nef, les collatéraux, et sans doute une partie du transept, les travaux du XVIe siècle ajoutèrent le transept, le chœur, l'abside et les chapelles, de style typiquement Renaissance. L'ajout de ce nouvel ensemble est manifeste sur le plan architectural, et une observation latérale de l'église le découvre immédiatement. De surcroît, il est décelable par une petite erreur d’implantation : son axe nord-sud n'est pas exactement perpendiculaire à la nef, mais présente une légère inclinaison sud-ouest. Celle-ci explique les espaces angulaires extérieurs différents que laissent, au nord et au sud, les premiers contreforts de l'abside et le mur est des chapelles. À l'intérieur, cette inclinaison distingue les parties latérales des piliers du pré-chœur.

Par bonheur, ni ce défaut, ni le détestable ajout complémentaire de l'escalier à vis qui, pour atteindre le comble, ampute la fenêtre nord du transept, ne rompent l'équilibre de l'édifice. Les murs des chapelles abandonnent les contreforts. Ils conservent un appui symbolique essentiellement décoratif sous forme de pilastres partiellement engagés dont les chapiteaux rappellent le style ionique. L'ornementation est faite de bouquets, feuilles d'acanthe, t1ammes, rinceaux, festons et guirlandes.

Charles du Plessis, qui a commandé ces travaux, a laissé son blason au plus haut du nouveau corps de l'édifice, aux croisées de voûtes.

La nef et les bas-côtés, aux couvertures séparées, furent réunis sous le même toit aux dimensions impressionnantes. Cette couverture unique assombrit la nef, qui, plus haute que les collatéraux, était à l'origine éclairée par des fenêtres surmontant les arcs formerets. La baie axiale d'ouest remplaçant l'oculus restitua partiellement un éclairement principalement assuré par deux fenêtres basses au nord, une à l'ouest et une au sud (les trois autres, au sud, éclairant la sacristie et la chaufferie). L'abside, polygonale, et fortement arc-boutée, comporte trois grandes fenêtres en plein-cintre. Le transept et les chapelles réunissent six hautes baies semblables à celle ouverte à l'ouest au-dessus du portail. La base du clocher est éclairée au sud par deux fenestrons.

Le clocher, au niveau de l'entablement, présente aujourd'hui quatre cadrans d'horloge. Sa toiture à forte pente est couronnée d'une croix de fer sur chaque poinçon, celui de l'est recevant le coq. Au faîtage du pignon de façade régnait autrefois une croix antéfixe en pierre, similaire à celle qui surmonte le chapeau en arc surbaissé du portail.

L'emplacement

À la fin du Moyen-âge, on ne connaissait à Liancourt que trois modestes chapelles respectivement dédiées à saint Jean, saint Nicolas et sainte Sophie, situées dans le terrain qui allait devenir le parc aux belles Eaux. Au XIVe siècle, simultanément, commencèrent les constructions de l'Église actuelle et du château, à l'initiative probable du sire de Liancourt : Jean 1" de Popincourt

Fut-elle édifiée sur un ancien temple, selon la tradition des bâtisseurs chrétiens ? Il est difficile de l'admettre, compte tenu de la nature marécageuse du terrain, et de sa position excentrée par rapport au bourg primitif. Elle pourrait cependant avoir été élevée sur " le merveilleux " d'une ancienne source. Il est malheureusement plus prosaïque et plus vraisemblable de penser que son emplacement a été arrêté sur de mauvaises terres" généreusement" données à l'Église. Le choix s'est probablement fait en fonction de la proximité du château (en ménageant une équidistance approximative avec le bourg), et à éloignement convenable du bruit des fêtes ...

L'église Saint Martin de Liancourt

L’ÉGLISE ST MARTIN DE LIANCOURT

A la fin du Moyen-âge, on ne connaissait à Liancourt que trois modestes chapelles respectivement dédiées à St Jean, St Nicolas, et Ste Sophie, situées sur le terrain qui allait devenir le parc aux Belles-Eaux. Au XIVème siècle, simultanément, commencèrent les constructions de l’église actuelle et du château, à l’initiative probable du sire de Liancourt : Jean 1er de Popincourt ( ?- 1403).

 L’église a des dimensions agréables : 34 mètres de long, 15 mètres de large, 16 mètres de hauteur sous voûtes, 32 mètres à la pointe du clocher. Elle peut accueillir 350 personnes assises (194 dans la nef, 136 dans les chapelles et une vingtaine dans les bas côtés). Une cinquantaine de personnes pouvant largement tenir debout dans l’entrée et les collatéraux. C’est au total une assistance de 400 personnes qu’elle peut réunir.

Son plan régulier, en forme de croix latine, mais son originalité tient à ses deux parties distinctes : Le corps principal Renaissance et le clocher de style ogival français. Les contreforts des collatéraux, de technique " gothique ", participent à l’aimable liaison des deux styles.

Vu du parvis, sa façade en pignon intègre sans heurt le clocher tangent, carré, solidement arc-bouté. Trois cloches logent derrière les hautes fenêtres à meneau géminées en tiers-point et terminées par des ajours, qui portent les abat-son.

Au dessus du portail Rennaissance, sur le chapeau en arc surbaissé, une large baie identique à celle du transept et des chapelles remplace, depuis le XVIème siècle, l’œil de bœuf originel.

Les guérisons de St Martin

Approche médicale des guérisons miraculeuses attribuées à Saint Martin
Par le Docteur Jean MOREAU
Président Honoraire de la Société Archéologique de Touraine

 

Entreprendre un tel travail relève un peu de l'insensé. Quand on pense aux progrès de la science et de la médecine, surtout dans notre XX~ siècle, comment peut-on apprécier l'aspect médical de toutes ces guérisons miraculeuses attribuées à notre saint Martin?

Cela apparaît d'autant plus comme une gageure que les historiens qui nous rapportent les faits n'ont pas de connaissance scientifique, tout au plus un bon sens d'observation qui leur permet de signaler quelques symptômes. Et pourtant n'est-ce pas utile de vérifier ces prodiges que Martin a réalisés et qui lui ont valu la réputation de grand thaumaturge des Gaules ? Certes,, il suffit parfois de quelques coups d'éclat pour asseoir une renommée mais il faut bien constater que notre apôtre a opéré un grand nombre de miracles durant sa vie, que son action s'est poursuivie au-delà de sa mort et que, dans les siècles qui ont suivi, les pèlerins sont venus en foule des quatre coins de la France et de l'Europe prier sur son tombeau. Qu'il y ait un enthousiasme collectif, c'est évident mais ce succès ne peut être fondé que sur des faits surnaturels. Alors, pourquoi ne tenterait-on pas de démêler un peu tout cet imbroglio de miracles. Même imparfaite, notre étude pourrait avoir le mérite de faire la part entre des évidences et des incertitudes, et aussi de réfuter certains de ces faits prodigieux. Nous avons limité cet exposé, d'abord aux miracles de Martin lui-même rapportés par Sulpice Sévère et à ceux que mentionne le Livre des Miracles de Grégoire de Tours qui a décrit quelque 200 guérisons(2) puis nous avons analysé celles que raconte Héberne au IX' siècle et qui présentent un intérêt particulier('). LES DYSENTÉRIQUES Dans l'étude des maladies guéries miraculeusement par l'intervention de saint Martin, on peut consacrer un chapitre aux "dyssenteries ", "cette maladie caractérisée par des pustules qu'on ne voit pas ", comme dit Grégoire de Tours (M. 11, 51). Notons que Sulpice Sévère ne mentionne aucun cas de dysenterie guérie par Martin de son vivant. Seul Grégoire signale 9 cas qui nous permettent une étude plus précise de cette maladie "qui dévastait un grand nombre de cités, et Tours entre autres. " Dans tous les cas, il est fait mention de fièvre, de grande faiblesse et d'une altération plus ou moins grande de l'état général. Si un malade est encore capable de monter à cheval (M. 11, 12), les autres doivent être portés " lorsque les besoins de la digestion se faisaient sentir " (M. IV, 9). Un serviteur de la mère de Grégoire " était épuisé, consumé par la fièvre » (M. Ill, 60), cela depuis trois jours. Grégoire lui-même fut "atteint de la dysenterie avec une forte fièvre. Je rendais continuellement mes digestions, qui n'étant pas achevées ne pouvaient profiter, et j'avais horreur de toute nourriture. En même temps une grande douleur, qui me tenait tout le ventre, pénétrant jusqu'aux intestins, achevait de consumer mon corps par les tortures, non moins que la fièvre par laquelle il était miné " (M. 11, 1). Il n'est signalé qu'une forme hémorragique : " la plus grande partie de ce qu'il rejetait par en bas était du sang. » (M. 111, 52). En somme, à part un cas où une femme était atteinte de dysenterie depuis cinq mois (M. 1, 37), tous les autres, même celui de Grégoire, semblent être des formes assez graves d'infection intestinale, dont il est difficile de dire la cause. Malgré l'impression que Grégoire donne de sombrer rapidement dans le plus grand pessimisme, on ne peut nier le caractère alarmant des symptômes décrits qui, dans la mesure où ils sont présentés objectivement, peuvent en effet faire craindre le pire. Il est également difficile de parler de la thérapeutique. Grégoire reconnaît le dévouement de son médecin Armentaire, à qui il dit: "Tu as tenté toutes les ressources de ton art, tu as dépensé toute la force de tes remèdes; mais les moyens de ce monde ne peuvent servir de rien à celui qui va partir. » (M. 11, 1) et il enchaîne aussitôt : " Une seule chose me reste à faire et c'est moi qui t'enseignerai un remède souverain. Prends de la poussière du très saint tombeau du seigneur Martin et fais-m'en une potion. Si cela ne produit pas d'effet, tout refuge est fermé à celui qui va périr. " Cela nous amène à parler du moyen de guérison et de la rapidité de celle-ci. Il faut remarquer que tous les dysentériques, sans exception, ont été guéris de la même façon, c'est-à-dire par l'absorption de cette potion où la poussière, prélevée sur le tombeau du saint, était délayée dans de l'eau. Quant à la deuxième caractéristique de ces guérisons, c'est l'action immédiate sur la douleur et sur le "flux de ventre ". Grégoire précise même, pour son cas personnel: "Le bénéfice en fut si prompt qu'il était la troisième heure quand cela arriva (c'est-à-dire quand il but la potion) et qu'à la sixième heure le même jour, je pus me rendre bien portant à table. " Tous ces éléments nous font dire qu'au moins huit fois sur neuf, le caractère miraculeux peut être retenu, notamment à cause de la gravité et d'une guérison spectaculaire qui ne pouvait être naturelle. La seule restriction pourrait provenir du commentaire même de Grégoire de Tours qui constate que ces dysentériques trouvent en la vertu de Martin . un remède dont la promptitude se mesure à la foi qui le demande " (M. 1, 3). Mais cela rentre dans le cadre de considérations générales qui clôtureront cette étude. LES AVEUGLES Si Sulpice Sévère ne rapporte qu'une seule guérison de cécité par saint Martin lui-même, celle-là n'en est pas moins célèbre étant donné que l'aveugle était Paulin de Nole (VM-19, 3). Il présentait "un voile fort épais sur la pupille " et il accusait une douleur vive. Cette cécité dont il souffrait depuis peu de temps fut guérie extemporanément quand Martin toucha l'Ïil avec un pinceau. Dans les livres des Miracles de Grégoire de Tours, on peut compter 68 cécités guéries par l'intercession du bienheureux Martin. Parmi celles-ci, une quinzaine sont associées à d'autres maladies ou infirmités : paralysie (3), personnes " contrefaites ", ne pouvant marcher (3), fièvre (), goutte (1), pustules sur tout le corps (1), etc. Les 52 autres cas présentent une cécité isolée et si, souvent, le récit est très succinct sans apporter de détails sur la cause, sur les circonstances d'apparition et les moyens de guérison par exemple, certaines guérisons d'aveugles sont accompagnées de commentaires qu'il convient d'étudier maintenant pour juger, autant que faire se peut, de l'existence ou non de miracles. Dans quatre cas, c'est à l'occasion d'une tempête que la personne est devenue aveugle. Une poussière est incriminée. Deux fois (M. IV, 17 et IV, 18), il semble que l'entrée dans la basilique Saint-Martin ait été entreprise aussitôt et que la guérison soit survenue immédiatement. On est alors tenté de dire que ce grain de poussière, cause de la cécité, s'en est allé spontanément, d'où le recouvrement de la vue. Mais les deux autres récits font état d'un laps de temps énorme: 12 ans (M. 111, 16) et 7 ans (M. 111, 20) entre la survenue de la cécité et le recours au bienheureux, ce qui laisse supposer qu'une complication infectieuse ou autre a été à l'origine d'une cécité durable. Il est bien certain que les infections au VI OU VIe siècle n'étaient pas jugulées par les antibiotiques et qu'elles pouvaient être cause de cécité. Prenons l'exemple de cet homme (M. 11, 41) qui fut, à l'âge de 25 ans, " affligé d'une fièvre ophtalmique, à la suite de laquelle vinrent les cataractes et une obstruction des paupières qui le rendirent tout à fait aveugle. À ce mal, s'en ajouta un autre : c'est que ne voyant plus il fut heurté par une pièce de bois et eut un Ïil crevé. " Outre l'élément traumatique surajouté, il semble bien que l'infection ait été à l'origine de la cécité. Il en est de même pour celle qui était survenue par accès de fièvre (M. IV, 19) ou pour une autre caractérisée par un Ïil "couvert d'un nuage épais " (M. 11, 34). Le miracle n'est donc pas à écarter. Par contre, Grégoire de Tours narre avec beaucoup de sérieux ce qu'il advint à un diacre qui, en se rendant à l'église pour célébrer les matines, rencontra un ami, se mit à boire avec lui et, dès qu'il l'eut quitté, sentit ses yeux se fermer et ses paupières se coller ensemble au point de ne plus pouvoir les ouvrir (M. 111, 38). Là, il ne s'agit même pas d'une banale blépharite. Il y a une notion de punition que nous retrouvons dans cet autre récit. Une femme qui avait travaillé un samedi soir après le coucher du soleil, "moment qui touche à la nuit de la résurrection du Seigneur " avait été punie par une contracture de ses mains ; mais après s'être rendue à la basilique où elle pria avec confiance, elle s'en alla guérie et fit le vÏu de venir chaque mois pendant une semaine au saint temple pour servir Dieu. Au bout d'un an, elle laissa passer une semaine sans aller à la basilique. En l'espace d'une heure, elle devint aveugle des deux yeux (M. 111, 56). D'autres exemples pourraient encore être cités (M. 1, 2, M. 11, 58; IV, 5; IV, 45) où une culpabilité entre en jeu dans la survenue de la cécité. Alors, la maladie serait-elle le châtiment de la faute commise ? Grégoire de Tours répond affirmativement à cette question dans les premières lignes du dernier miracle rapporté : "Grande est la bonté du confesseur qui reprend les insensés de telle sorte qu'en exposant le vice à leurs yeux, il les corrige pour l'avenir ". Ce n'est donc plus une question de miracle, domaine de la foi; c'est une question de morale et de théologie. Citons encore le cas de ces deux enfants qui, effrayés par une bande de démons, se jetèrent à terre. "Dans l'ignorance de leur âge, dit Grégoire, ils ne se prémunissent pas du signe salutaire de la croix et sont atteints : l'un perd la vue; l'autre ne peut plus, ni voir, ni marcher " (M. 11, 45). Par ailleurs, il est intéressant d'examiner l'ancienneté de la cécité quand intervient la guérison. Grégoire de Tours nous indique 17 guérisons d'aveugles en mentionnant depuis quand ils étaient infirmes. Autrement dit, nous connaissons cette précision pour le quart des aveugles miraculés. Un seul cas de cécité datait de moins d'un an, deux autres dataient de moins de 5 ans, sept s'étalaient entre 5 et 10 ans et sept autres dataient de plus de 10 ans. Très souvent donc, il s'agissait de cas anciens et plus lointaine est l'infirmité, plus crédible est le miracle. La curiosité nous pousse à connaître comment s'effectuaient ces guérisons. Une énorme majorité d'aveugles (57 fois sur 68) ont été guéris par le jeûne, la prière surtout, voire la prosternation et la plupart du temps auprès du tombeau, à la basilique, ou quelquefois à Candes et là où il y avait des reliques. Ce n'est que dans quelques cas qu'il y a eu un attouchement des yeux. Nous avons déjà cité celui de Paulin de Nole guéri par saint Martin lui-même. Deux ont été guéris par une onction avec l'huile du sépulcre, trois en touchant la tenture recouvrant les reliques et un à Candes en touchant les barreaux du lit du bienheureux pontife. On a même des détails, dans quelques rares circonstances, sur les phénomènes qui accompagnent la guérison. Ainsi: "Devant le saint tombeau, il fut tout d'un coup saisi d'une vive douleur aux yeux; et, tandis que cette douleur le dévorait cruellement, ses yeux commencèrent à jeter de l'écume; puis du sang s'échappa de ses paupières et il vit la lumière " (M. 11, 8). Bien que parfois douloureuse, cette guérison était, selon l'avis de notre historien, beaucoup plus supportable que la méthode médicale qu'il rapporte en ces termes à propos d'un malade opéré de cataracte: "L'affaire des médecins est plutôt de produire la douleur que de soulager quand, tenant l'Ïil tendu et le perçant avec des instruments acérés, ils vous font voir les tourments de la mort avant de vous ouvrir les regards " (M. 11, 19). Que faut-il conclure de ces guérisons d'aveugles ? Nous pensons que quelques cas ne peuvent être pris en considération à cause du caractère bénin (poussière dans l'Ïil, récente) ou de la notion de faute commise par un pécheur qui, secondairement, se trouve puni. Une commission de contrôle des miracles, aujourd'hui, ne les admettrait pas. Mais, dans l'ensemble, vu l'ancienneté de beaucoup de cas et la survenue souvent très rapide de la guérison, le caractère miraculeux n'a pas, alors, de raison d'être mis en doute. LES MUETS ET LES SOURDS-MUETS Ces infirmités étaient moins fréquentes que la cécité et les guérisons miraculeuses opérées par saint Martin portent d'ailleurs plus sur la mutité que sur la surdi-mutité. Deux cas seulement de surdi-mutité sont rapportés par Grégoire de Tours. Si un des récits (GC, 10) ne mentionne aucun détail à part la guérison obtenue en versant de la cire dans l'oreille, l'autre (M. 1, 7) développe longuement le rejet de sang par la bouche qui précéda les premiers mots rendant grâces au seigneur Martin. Par le fait même, le jeune homme avait recouvré l'ouïe. Il faut ajouter qu'il se rendait chaque jour au saint tombeau depuis trois ans avant d'obtenir sa guérison. Le manque de précisions ne nous permet pas d'écarter le miracle. Quant au cas de surdité isolée (M. 111, 17), il ne peut raisonnablement être pris en compte car cette surdité ne touchait qu'une oreille et depuis trois jours seulement. Il s'agissait vraisemblablement d'un catarrhe de la trompe d'Eustache ou simplement d'un bouchon de cérumen, car " l'obstacle qui obstruait son oreille se rompit, il sentit comme un grand vent qui en sortait et il recouvra l'ouie ". Les guérisons de mutité sont plus nombreuses. L'une est rapportée par Sulpice Sévère (D. 111, 2) et concerne un enfant de 12 ans, muet de naissance, que Martin guérit en quelques instants en lui versant de l'huile bénite dans la bouche. L'ancienneté de l'infirmité est un argument favorable au miracle. Les huit autres guérisons se trouvent racontées par Grégoire de Tours. La plus sensationnelle est l'histoire de Mauranus (M. IV, 40) dont l'attaque subite ressemble fort à un accident vasculaire cérébral ayant entraîné un coma de trois jours, au bout desquels il n'eut que la mutité comme séquelle. Sa guérison peut certes relever du miracle, de même que celles d'un muet de naissance (M. Il, 38) et d'une femme depuis longtemps muette (M. 11, 3 6). Il n'en est pas de même pour les autres mutités: l'une, survenue après une forte fièvre (M. 11, 26), une autre à la suite d'une très grande peur (M. 111, 37), une troisième en rapport avec de la fièvre et une bouche enflée, guérie au bout de "nombre de jours "seulement (M. 11, 30), une quatrième dont la brusque apparition de la mutité après une chute à terre, semble due à un malaise, sinon à une cause psychique (M. IV, 36), toutes ces mutités sont plutôt des épiphénomènes pour lesquels on ne peut considérer la guérison comme miraculeuse. Enfin, le cas de l'habitant de Montlouis mérite la citation intégrale du récit (M. 111, 54): "Tandis qu'il reposait avec sa femme, la peur le saisit au milieu de la nuit; effrayé, il saute hors du lit, et, pendant qu'il erre en tremblant dans sa maison, il perd l' usage de sa parole... Il resta couché pendant six mois devant le saint tombeau, priant assidûment; alors sa langue se délia Honnêtement, nous pensons que la LES POSSÉDÉS DU DÉMON Saint Martin, par humilité, avait refusé d'être ordonné prêtre mais il avait accepté que saint Hilaire le consacre exorciste. Ce pouvoir de chasser le démon était un atout important car, à cette époque, on appelait " énergumènes " ou "possédés du démon ", des gens agités, "emportés comme s'ils volaient par les airs ", " entraînés par l'impulsion du démon " et il semble qu'il y en avait beaucoup. D'après Sulpice Sévère, Martin en aurait guéri quatre, individuellement, sans compter tous ceux qu'il guérissait collectivement et à distance. Il suffisait qu'il sorte de sa cellule à Marmoutier pour que les possédés du démon qui s'agitaient dans la ville de Tours soient guéris (D. 111, 6). On pourrait citer en exemple quatre autres passages (D. 111, 14; D. 11, 8; VM. 17, 1-4; VM. 17, 5-7). Cette question des possédés du démon pose des problèmes d'ordre psychique et il est bien difficile d'avoir une opinion scientifique sur le caractère miraculeux de ces guérisons. Il en est de même pour les récits de Grégoire de Tours qui cite 4 guérisons collectives et 23 individuelles. Dans deux cas seulement, il parle de l'expulsion du démon sous forme de "sang fétide " (M. 11, 37) ou d'"humeur purulente " (M. 11, 20). Quant au moyen de guérison, il n'en donne qu'un exemple: un citoyen avait emporté avec lui un vase de vin et du pain qu'il avait déposés pendant une nuit auprès du tombeau. Pour guérir une femme possédée de l'esprit immonde, il lui donna de ce vin et un morceau de pain. Elle rejeta le démon aussitôt et fut guérie (M. IV, 21). Tout médecin ne pourrait terminer ce propos que par un point d'interrogation ou plutôt par un point d'exclamation. À côté de ces possédés du démon, Grégoire de Tours rapporte le cas d'un homme frappé d'une "maladie qu'on nomme le mal épileptique ". On ne peut que souscrire à ce diagnostic car, lorsqu'il était "assailli par ce démon lunatique, il vomissait par la bouche une écume ensanglantée et il semblait comme mort " (M. 11, 18). Martin le guérit en lui apparaissant et en faisant sur lui le signe de la croix, mais cette guérison ne fut pas définitive car il se remit à boire. Alors un pied et une main se contractèrent. Revenu à la sobriété, il fut guéri de nouveau. Plusieurs cas de "folie " sont mentionnés, deux par Sulpice Sévère (D. 111, 15-16), et quatre autres par Grégoire de Tours (M. 11, 53 ; M. 1, 33 ; M. 1, 26 ; M. IV, 44). Il s'agit de délires, parfois d'origine alcoolique, dont la guérison n'est souvent que transitoire et donc inacceptable comme miracle. LES PARALYTIQUES C'est un des chapitres les plus difficiles à étudier du point de vue médical car il peut inclure des maladies neurologiques et en particulier de vraies paralysies mais aussi des maladies du système locomoteur comprenant des maladies ostéo-articulaires ou neuro-musculaires, des maladies congénitales ou des séquelles traumatiques, voire des maladies métaboliques ou des troubles circulatoires dont le diagnostic rétrospectif est encore plus délicat. Nous avons pensé qu'il fallait se référer au texte latin de Grégoire. de Tours pour tenter de catégoriser ces cas dominés par un signe essentiel: l'impotence. Là encore, les termes retrouvés n'ont permis qu'un classement très approximatif. Si "paralyticus " implique la notion de perte du mouvement, de la fonction motrice, on pourrait penser à une paralysie flasque, surtout si on oppose les cas, et ils sont nombreux, où il est question de contractures. Mais devant ce terme "contractus ", utilisé parfois pour une localisation très segmentaire (les doigts par exemple), s'agit-il d'une affection nerveuse spastique ou d'une affection ostéoarticulaire ? Le mot " débilis "pourrait signifier une infirmité plus qu'une impotence mais il est question parfois de pieds et mains débiles (manus et pedes debiles). Enfin comment doit-on interpréter " aridus ". souvent traduit par desséché, terme qui se rapporte presque toujours à un membre. Est-ce une atrophie musculaire ou un trouble circulatoire important ? Autant de questions auxquelles on ne peut répondre complètement par manque d'information. Ne pouvant donc faire une analyse objective sérieuse il importe de rester prudent et d'avancer des conclusions, non pas d'après un diagnostic aléatoire, mais selon la gravité de la maladie, son ancienneté et la soudaineté de sa guérison. Sulpice Sévère ne rapporte qu'une guérison miraculeuse de paralysie par saint Martin (VM. 16, 1-8). Il s'agissait d'une jeune fille de Trèves qui n'avait "aucune fonction depuis longtemps " * À la suite de prosternation et de prière, puis après avoir versé de l'huile dans sa bouche, elle recouvra d'abord la parole avant d'être totalement guérie. Malgré le peu de renseignements, on peut dire que les trois éléments dont nous venons de parler pour reconnaître un miracle, se trouvent ici réunis. Grégoire de Tours mentionne beaucoup plus de guérisons miraculeuses ayant trait aux différentes maladies annihilant le mouvement de tout ou partie du corps. On retrouve dans les quatre livres des Miracles 22 paralytiques (au sens de paralyticus), 1 hémiplégique (latus unum, debilitata manu ac pede, perdiderat), 10 infirmes (debiles), impotents, voire dans un état de faiblesse ; 41 personnes immobilisées par des contractures, assez généralisées dans 16 cas, plus localisées dans 16 autres survenues après de la fièvre ou une cruelle maladie dans 7 cas ; alors que dans deux autres, la peur semble avoir joué un rôle prédominant. Reprenons toutes ces subdivisions. Aucun détail ne précise la nature même de la paralysie chez ces 22 paralytici " dont 12 furent guéris collectivement. Seule est soulignée la soudaineté de la guérison d'une maladie considérée comme chronique, irréversible et d'évolution fatale à plus ou moins longue échéance. C'est dire que la notion de miracle ne peut être refusée. Quoi penser de l'hémiplégique, non pas sur sa paralysie de tout un côté du corps, mais sur les circonstances d'apparition ? (M. 1, 27): "En chassant, il fut, par les embûches de l'ennemi ' frappé d'une terreur affreuse " * Cette notion de terreur n'exclut certes pas un accident vasculaire cérébral. Il est certain que ni Grégoire, ni les malades ne savaient expliquer ce qu'ils avaient pu ressentir. D'autre part, si l'existence de cette hémiplégie est indéniable, sa guérison fut-elle soudaine? Il Charvald (c'était le nom du malade) se fit porter au glorieux temple et y passa presque toute une année, se soumettant continuellement aux jeûnes et aux prières " * Admettons que c'est l'attente qui fut longue mais comme la guérison survint rapidement, ce serait une preuve du miracle. Les dix personnes qualifiées de débiles doivent être considérées comme impotentes plutôt qu'infirmes. C'est plus une question physique qu'un problème de débilité intellectuelle. D'ailleurs, c'est souvent des pieds ou même d'un pied qu'il s'agit. Ne pouvant tout rapporter ici, nous ne citerons que deux détails: une fois, l'infirmité fut provoquée par une attaque du démon de midi (M. 111, 9). Si certains auteurs ont découvert que le démon de midi est la déesse Diane, on admet aussi que les démons de midi étaient ceux auxquels on attribuait les maux dont l'irruption subite faisait tomber sans connaissance. Enfin, dans un autre cas (M. IV, 41) Grégoire parle d'un homme "ayant perdu par je ne sais quelle attaque, l' usage d'un jarret, et ne pouvant plus marcher. (R) vint assister à la fête en s'adaptant un bâton au genou comme font les boiteux ". Cette description rappelle un certain nombre de représentation du "partage du manteau ", où le pauvre porte un appareillage semblable. Or, des médecins allemands viennent de prouver qu'il s'agissait de victimes de la maladie de l'ergot de seigle qui engendre des artérites notamment, d'où cette impotence douloureuse nécessitant un appui au-dessus des lésions, donc au genou dans le cas présent. Sur les dix "débiles " dont nous venons de parler, presque tous pourraient très bien relever de ce diagnostic, auquel cas la guérison peut logiquement être considérée comme miraculeuse. Il n'est pas dit que, parmi les 16 cas de contractures localisées, certains ne relèvent pas du même diagnostic. Comment interpréter le mot latin aridus, employé dans quatre observations et traduit par desséché pour qualifier un bras ou une main atteints ? Il est certain qu'une artérite peut être en cause et que cette hypothèse paraît plus vraisemblable qu'une atrophie musculaire due à l'immobilité du membre " contracté ". Dans les douze autres observations, il ne s'agit que d'une contracture localisée aux pieds ou aux mains. On peut dire qu'il s'agit de spasticité dont la cause est hélas inconnue. En dehors de toute lésion organique, un facteur psychique reste toujours possible, d'où un doute sur la réalité du miracle dans ces derniers cas. Par contre, dans les seize cas de contractures généralisées, on peut admettre une paralysie spastique. Seul le mot "contractus " se retrouve toujours, alors que "paralyticus "n'est cité que deux ou trois fois. La seule erreur de diagnostic pourrait venir d'une impotence en rapport avec une polyarthrite par exemple. Les expressions "mains et pieds noués " ou "perclus " ou "personne contrefaite " pourraient le laisser supposer mais elles sont toujours la traduction du même mot " con tractus ". Si le problème du diagnostic n'est donc pas totalement résolu, il n'en reste pas moins qu'il s'agit là de maladies chroniques, invalidantes, incurables sûrement et que la guérison relève en effet du miracle. La même impression se dégage des sept cas que nous avons inclus dans les séquelles d'une "cruelle maladie " ou après une fièvre. Il ne s'agit pas obligatoirement d'encéphalite bien qu'elle soit imaginable dans deux cas (M. 111, 2 et 49) qui peuvent entrer dans le nombre des guérisons miraculeuses. Il n'en est pas de même dans deux cas où la peur a été à l'origine de la contracture généralisée entraînant l'impotence. Cela termine l'étude de tous ces "paralytiques ". Sur les 74 cas répertoriés comme tels, il n'y en a guère que 14 que nous considérons comme guérisons spontanément possibles. Les 60 autres présentent a priori un caractère suffisamment grave et incurable pour que la guérison soudaine prouve le miracle. Retour haut de page LES FIÈVREUX ET LES MALADIES INFECTIEUSES La fièvre est presque toujours un signe d'infection. Elle en est le symptôme principal et il nous a fallu bien des siècles pour venir à bout des maladies microbiennes. La bataille n'est d'ailleurs pas totalement gagnée. Dans les premiers siècles de notre ère, la fièvre n'était qu'une appréciation non mesurée. Même si l'évaluation de cette fièvre était imprécise, on ne peut mettre en doute ce signe, mais sans en connaître l'importance. Outre la faiblesse qui accompagnait cet état, il n'est pas souvent décrit d'autres manifestations cliniques. Sulpice Sévère raconte quatre guérisons effectuées par saint Martin par le Docteur Jean MOREAU, Président Honoraire de la Société Archéologique de Touraine Entreprendre un tel travail relève un peu de l'insensé. Quand on pense aux progrès de la science et de la médecine, surtout dans notre XX~ siècle, comment peut-on apprécier l'aspect médical de toutes ces guérisons miraculeuses attribuées à notre saint Martin? Cela apparaît d'autant plus comme une gageure que les historiens qui nous rapportent les faits n'ont pas de connaissance scientifique, tout au plus un bon sens d'observation qui leur permet de signaler quelques symptômes. Et pourtant n'est-ce pas utile de vérifier ces prodiges que Martin a réalisés et qui lui ont valu la réputation de grand thaumaturge des Gaules ? Certes,, il suffit parfois de quelques coups d'éclat pour asseoir une renommée mais il faut bien constater que notre apôtre a opéré un grand nombre de miracles durant sa vie, que son action s'est poursuivie au-delà de sa mort et que, dans les siècles qui ont suivi, les pèlerins sont venus en foule des quatre coins de la France et de l'Europe prier sur son tombeau. Qu'il y ait un enthousiasme collectif, c'est évident mais ce succès ne peut être fondé que sur des faits surnaturels. Alors, pourquoi ne tenterait-on pas de démêler un peu tout cet imbroglio de miracles. Même imparfaite, notre étude pourrait avoir le mérite de faire la part entre des évidences et des incertitudes, et aussi de réfuter certains de ces faits prodigieux. Nous avons limité cet exposé, d'abord aux miracles de Martin lui-même rapportés par Sulpice Sévère et à ceux que mentionne le Livre des Miraclesde Grégoire de Tours qui a décrit quelque 200 guérisons(2) puis nous avons analysé celles que raconte Héberne au IX' siècle et qui présentent un intérêt particulier(').qui se rapportent à des histoires infectieuses. La plus connue est celle du baiser au lépreux (VM. 18, 3-5). Le lendemain matin, il n'existait plus aucune trace de lèpre sur le corps de celui que Martin avait embrassé. Là, il n'y a pas de doute sur le miracle. Au moyen d'une lettre posée sur sa poitrine, la fille d'un ancien préfet fut guérie d'une fièvre quarte (VM. 19, 1-2). Dans les Dialogues (D. 111, 14), on cite l'oncle maternel de Gallus atteint d'une maladie grave (D. 11, 2) et les esclaves de Lycontius, victimes d'une épidémie, que Martin a guéris d'ailleurs à distance (D. 111, 14). Le caractère soudain de ces guérisons plaide en faveur d'une intervention miraculeuse, puisque nous n'avons pas d'autres renseignements. Dans les récits de Grégoire de Tours, on peut faire les mêmes remarques. L'ancienneté de la maladie ne peut être en jeu dans ces cas-là. C'est plutôt la gravité qui est en cause et la soudaineté de la guérison, pour apprécier s'il y a miracle ou non. Dans la plupart des cas, on ne peut juger de la sévérité de l'infection. Grégoire insiste parfois sur l'imminence du décès et en général la guérison est brutale. Le miracle n'est donc pas impossible. Pour certains de ces cas, on peut penser qu'il n'y avait pas une particulière gravité; tel ce mari qui a été guéri en même temps que sa femme qui invoquait le saint pour un flux de sang (M. Il, 10); tel Grégoire lui-même qui, malgré cette fièvre, avait entrepris le voyage vers la basilique depuis son Auvergne natale et qui aurait failli succomber en chemin (M. 1, 32) ; tel ce jeune garçon qui, soi-disant guéri par la potion préparée avec la poussière du tombeau, élimina deux vers (M. 111, 59). Et dans d'autres cas mais sans pouvoir le prouver, on peut croire que l'évolution de la maladie se serait faite naturellement vers la guérison ; tel cet homme du Limousin qui guérit le huitième jour de sa maladie comme les pneumoniques (M. Il, 39); telles les victimes d'une peste bubonique, laquelle n'était pas systématiquement mortelle (M. 111, 34). Autrement dit, on peut se montrer crédule ou sceptique; on peut admettre ou récuser la notion de miracle. Laissons la parole à Grégoire de Tours (M. 1, 38) : "Que raconterai-je des énergumènes ou des fiévreux, en qui, si la sobriété et la foi sont unies, toutes les attaques cessent par le secours du saint patron ? C'est ainsi que bien des fiévreux, lorsqu'ils sont le plus fortement éprouvés par la violence de la fièvre, s'ils restent couchés tout un jour entre l'autel et le saint tombeau, et qu'au soir ils boivent de la poussière de ce saint sépulcre, recouvrent aussitôt la santé ". Ainsi présentée, la guérison apparaît miraculeuse! Retour haut de page LES AUTRES MALADES Un certain nombre d'affections, échappant plus ou moins aux diverses catégories étudiées, doivent malgré tout retenir notre attention. ainsi deux enfants qui ne buvaient plus ou qui vomissaient tout ce qu'ils prenaient (M. 111, 30 et 5 1) ont pu, certes, être guéris miraculeusement vu la gravité apparente de leur cas et la rapidité de la guérison. D'autres personnes atteintes de la fièvre froide, délicieuse dénomination pour un diagnostic de tremblement, qui peut correspondre à une maladie de Parkinson vraisemblablement, sont sans doute des miraculées (M. IV, 8 et 21). Le fait qu'un groupe de douze, présentant ce même tremblement, ait été guéri le même jour, dans le même lieu (à Saintes) peut paraître étonnant, mais rien ne permet d'en douter vraiment. Citons aussi deux cas de goutte (M. 11, 3-4) et deux cas de malformation congénitale qui auraient pu être classés avec les impotents à cause de membres desséchés (M. 1, 40) ou avec les spastiques (M. 11, 26). Ne dédaignons pas le cas de ces deux femmes délivrées "d'un flux de sang ": l'une par Martin lui-même (D. 111, 9) en touchant le vêtement du saint; l'autre (M. 11, 10) en se touchant les oreilles et les yeux avec la tenture qui recouvre le sépulcre; mais n'accordons pas à ce couple, marié depuis trente ans, et qui demeurait stérile, le bénéfice d'une intervention miraculeuse (M. IV, 11). En effet, le mari, avec le consentement de sa femme, donne tous ses biens à la basilique Saint-Martin, "puisque les enfants me sont refusés ". C'est la formule transcrite par Grégoire qui ajoute: "Au bout de trente ans, dans la nuit même où il donna ses biens à la basilique, il connut sa femme qui conçut et engendra un fils ;plus tard, elle en eut encore d'autres " * N'est-ce pas un fait, toujours rencontré, qu'un couple stérile adoptant un enfant se voie gratifié secondairement d'un héritier de leur propre chair ? Des traumatismes ou accidents divers sont présentés comme guéris miraculeusement. Si la piqûre de serpent narrée dans les Dialogues (D. 11, 2) semble associer gravité et guérison soudaine, la chute de Martin dans l'escalier (VM. 19, 4) ne paraît pas très sérieuse, tout au plus une entorse de gravité moyenne bien que très douloureuse. Comment ne pas sourire du "mal de gorge " de Grégoire, provoqué par une arête de poisson qui s'y piqua très malheureusement (M. 111, 1). Écoutons son récit: "Le troisième jour, comme je ne pouvais la faire sortir, ni en toussant, ni en crachant, je recourus au remède que j'avais déjà éprouvé. J'approche du tombeau, je me prosterne sur le pavé, et j'implore avec larmes et gémissements l'assistance du confesseur; puis me relevant, je me touche la gorge, le larynx et le reste de la tête avec le voile placé dessus. Sur le champ, je recouvrai la santé, et je n'avais pas dépassé le seuil sacré que je ne sentais déjà plus aucun mal. Qu'était devenu cependant le fatal aiguillon ?Je l'ignore. Ce n'est point en vomissant que je le rejetai et je ne le sentis point s'en aller dans le ventre ". Si l'on pouvait dire à Grégoire qu'on ne croit pas au miracle, il nous traiterait sûrement d'imposteur. Par contre, comment ne pas être convaincu par l'histoire de ce blessé à un pied qui s'atrophia et qui, trente ans plus tard, eut l'autre pied écrasé (M. 111, 15), quand on lit que "son pied, qui s'était raccourci par la fracture des os, s'allongea "? Bénignité ou gravité, tel est le dilemme qui se pose constamment à notre appréciation. La douleur du pied du comte Alpin (M. 1, 24) était si intense qu'il n'avait de repos ni jour, ni nuit, depuis une année entière. Si c'est bien vrai, sa guérison par le signe de la croix sur le pied malade ne peut être que miraculeuse. Mais les ennuis de santé de Grégoire lui-même ne sont pas forcément à prendre au sérieux. Sa migraine (M. 11, 60) qui débute à gauche est guérie en touchant le voile du sépulcre ; elle réapparaît trois jours après du côté droit; puis il doute lui-même du miracle en pensant qu'il aurait pu guérir le premier jour en ouvrant la veine, alors la migraine reprend des deux côtés et elle guérit quand il demande pardon de sa pensée perverse. Cette histoire serait malgré tout plus plausible que son très fort mal aux dents (M. 111, 60), son mal au ventre (M. IV, 1) ou sa langue gonflée, puis les lèvres (M. IV, 2) qui n'inspiraient pas d'inquiétude. Quant à la maladie guérie au bout de 34 ans, c'est-à-dire après le plus grand laps de temps sur tous les miracles rapportés, elle concerne la mère de Grégoire qui, lorsqu'elle le mit au monde, ressentit une douleur soudaine dans le muscle de la jambe. Calmée par la chaleur, cette douleur ne devait pas correspondre à une phlébite. Était-elle comparable à une crampe ? C'est possible. Toujours est-il qu'elle disparut après deux ou trois mois de prières auprès du tombeau (M. 111, 10), ce qui est bien long pour être miraculeux. Nous pourrions rapporter encore d'autres exemples montrant l'extrême diversité de tous ces miracles ou prétendus tels, mais nous terminerons ce chapitre en citant textuellement ce passage (GC, 9): "Chez cet autre, le démon descendit dans l'ongle du pouce et il sortit bientôt avec un ruisseau de sang par une rupture de la peau, lorsque le prêtre eut versé de l'huile sur le doigt " * Il est facile d'y reconnaître un panaris sous-unguéal, arrivé à maturité et qui a percé, à la faveur de l'huile peut-être mais sans qu'il y ait là un miracle. LES MALADIES-CHÂTIMENT Nous avons déjà eu l'occasion de parler de ces maladies dont l'apparition correspondait à une faute, à un péché. Il nous semble utile d'y revenir plus longuement car ces histoires reflètent la pensée de l'Église dans le haut Moyen-Âge. Toute dérogation à la règle, c'est-à-dire aux commandements, était sujette à châtiment, et la maladie était bien un châtiment. Elle permettait de mettre en garde les chrétiens contre tout ce qui était défendu en même temps que la guérison démontrait la puissance de Dieu ou de son intercesseur, en l'occurrence le bienheureux Martin. Mais par le fait même, elle créait un sentiment de crainte qui culpabilisait le fautif Déjà à cette époque, cela devait avoir des répercussions psycho-somatiques. C'est pourquoi certaines affections rencontrées dans l'histoire de ces guérisons miraculeuses prêtent à discussion quant à leur organicité. Les exemples ne manquent pas de ces maladies-châtiment: un bras desséché après avoir coupé une grappe de raisin consacré (M. IV, 7); un homme aveugle, sourd et muet, qui avait les mains contractées par suite de quelque corruption (M. IV, 46) ; une famille malade parce qu'elle n'avait pas déposé le petit lit du bienheureux dans un endroit sacré (M. 1, 35) ; des mains saisies par un feu céleste, un visage couvert d'ampoules et de pustules, pour avoir travaillé le jour de la saint Jean-Baptiste (M. 11, 57). Toutefois la punition la plus souvent rencontrée s'adresse aux personnes qui n'avaient "ni crainte, ni respect pour le saint jour du dimanche ". Huit fois au moins, ces gens sont punis par une contracture des mains qui, progressivement, enfonce les ongles dans la paume de la main ou bien qui les oblige à garder le bâton avec lequel ils travaillaient. L'un voulait moudre son grain, un autre fabriquer une clef, d'autres encore tailler une haie ou rentrer du foin. Deux fois il s'agissait d'une femme qui avait voulu faire du pain un samedi après le coucher du soleil. La guérison miraculeuse, heureusement, sauvait tout; mais ces histoires étaient une exhortation à la bonne conduite. Qu'il nous soit permis de citer encore un exemple plus douloureux (M. 11, 24) car il s'agit d'une malformation congénitale importante: "C'était plutôt un monstre qu'un être imitant la forme humaine. Comme c'était pour beaucoup un sujet de moquerie de l'apercevoir et qu'on demandait à la mère comment un tel enfant pouvait être né d'elle, elle confessait en pleurant qu'il avait été procréé pendant une nuit de dimanche. Et n'osant pas le tuer, comme les mères ont coutume de le faire (dans ces cas-là), elle l'élevait de même que s'il eût été bien conforme. Et plus loin, on trouve la mise en garde attendue : c'est assez des autres jours pour se livrer à la volupté; passez ce jour-là dans les louanges du Seigneur et dans la pureté. Si des époux unissent leurs embrassements en ce jour, les fils qui en naîtront seront ou perclus, ou épileptiques, ou lépreux; et puisse ce que nous avons rapporté servir d'enseignement, de peur que le mal commis dans le cours d'une seule nuit ne soit enduré pendant l'espace de longues années ". Ce qui nous étonne le plus aujourd'hui, c'est cette interdiction du travail le dimanche, considéré comme faute grave, par rapport à l'absence de commentaire sur l'euthanasie pratiquée habituellement et qui ne parait pas condamnée ! LES RÉSURRECTIONS Devant la maladie ou la mort, le bienheureux Martin est intervenu. Une résurrection est une guérison de la mort. Il est donc normal de terminer ainsi cette étude. Durant la vie de saint Martin, trois résurrections ont été rapportées: la première est celle du catéchumène de Poitiers (VM. 7, 1-5) mort à la suite d'une fièvre élevée pendant trois jours. Martin, sollicité, s'étendit sur lui, à plat ventre, et priant. Ce n'est qu'au bout de deux heures que le mort ressuscita. Le même processus se déroula pour l'esclave de Lupicin (VM. 8,1-3) qui s'était pendu. Martin se coucha sur lui pendant quelque temps, en priant, avant qu'il ne reprenne sa respiration. Le troisième miracle concerne un enfant. Martin se rendait à Chartres et fut arrêté sur la route parce qu'un enfant venait de mourir et la mère se précipita sur le bienheureux qui prit l'enfant dans ses bras et le ramena à la vie. Dans toutes ces circonstances, on ne peut que reconnaître le miracle. Dans l'oeuvre de Grégoire de Tours, il est mentionné quatre résurrections. Deux sont nettes: celle d'un pendu (M. 1, 21) qui avait imploré saint Martin avant l'exécution de la sentence et qui, deux jours plus tard, fut trouvé encore vivant, celle d'un enfant de trois mois qui mourut après une forte fièvre, fut déposé devant l'autel de saint Martin alors que son petit corps était déjà glacé et qu'on retrouva vivant le lendemain matin (M. Ili, 8). Deux condamnés au gibet «M. 111, 53) - l'un délivré par un vent subit qui renversa le poteau où il était suspendu; l'autre qui implorait le confesseur et qui tomba à terre parce que la corde était rompue - ne semblent pas avoir eu le temps de mourir et le salut du deuxième ne survint qu'après quelques péripéties. Excepté ces deux derniers cas, toutes ces histoires plaident en une miraculeuse intervention de Martin dont la réputation de thaumaturge n'a pas été établie sans manifestations éclatantes. LES ÉCRITS D'HÉBERNE Cet abbé de Marmoutier, qui fut ensuite archevêque de Tours, a rapporté au IX' siècle, exactement en 855, une soixantaine de guérisons dont la lecture nous a suggéré quelques remarques complémentaires. Ses descriptions ne sont pas aussi précises que celles de Grégoire de Tours mais on y retrouve les mêmes catégories. Ainsi, sur 5 personnes, dites "possédées ", 2 seulement sont à prendre en considération; en dehors des gens "contractés "globalement ou partiellement, des aveugles ou des sourds-muets, des paralytiques ou des infectés (entre autres, une paralysie probable du voile du palais pouvant être d'origine diphtérique et 4 fistules, sans doute tuberculeuses), on trouve des séquelles post-traumatiques guéries subitement, des malformations acquises et notamment des cyphoses importantes redressées aussitôt. En dehors de cas douteux au diagnostic imprécis, on peut éliminer le miracle chez deux malades ayant eu "une vision affreuse ", quatre autres guéris à distance alors qu'ils s'apprêtaient seulement à venir au tombeau, une lithiase urinaire chez un enfant en bas-âge qui a rejeté son caillou dans la nuit qui a suivi son arrivée à la basilique (ce qui n'a rien d'étonnant) et une paralysie récente guérie "peu à peu " * En outre, on découvre deux descriptions très intéressantes, concernant l'une un clerc, possédé d'un démon qui lui déclare ses péchés et qui est finalement chassé après une bonne confession du clerc; et l'autre, l'évêque de Liège, Hildric, guéri miraculeusement d'un "lupus ", probablement tuberculeux, à un stade évolué. Mais, ce qui est le plus important dans cette présentation de guérisons, c'est de constater qu'elles sont devenues presque systématiques: "Beaucoup de malades étaient guéris chaque jour "(H-XVI) ; "Personne ne se voyait refuser la santé qu'il souhaitait, sauf celui dont la trop faible confiance en la puissance de Martin vacillait " (H-III). Ces derniers mots soulignent les mérites du bienheureux ainsi que le passage suivant: "Le Christ guérit en considération des mérites du saint afin que la proclamation de ces mérites tournent à la gloire et à la louange de son nom " (H-XV). On sent chez l'auteur un enthousiasme sans borne et une très grande confiance en saint Martin qui attirait sur son tombeau des foules de pèlerins, la plupart sûrement sincères, beaucoup pour obtenir une guérison, presque garantie si on avait la foi. C'est là, semble-t-il toute la différence entre le miracle chrétien et la guérison païenne obtenue par les médecins d'alors. La fréquentation des sanctuaires des dieux ou des fontaines sacrées s'expliquait par les guérisons dont les gens bénéficiaient en s'adressant à un lieu ou à un objet, et par cet objet au dieu résidant dans la chose. Le médecin ou le guérisseur était réputé savoir, non pas forcément la cause de la maladie mais son issue, et le patient lui demandait le salut, la santé alors que son pouvoir était limité. On avait besoin d'un médecin qui guérisse, non par la science ou la technique, mais par la puissance de la parole et c'est ce que saint Martin a apporté. La première résurrection, puis les succès médicaux ont appelé d'autres guérisons dues à la foi, démontrant une évolution qui s'est fait sentir durant la vie même de Martin, ce qui a fait dire à A. Rousselle`: " Martin guérit le Gaulois qui se convertit est réversible en Martin convertit le Gaulois qui alors guérit ". Mais cette évolution, manifeste dans les écrits de Grégoire de Tours, est encore plus évidente trois siècles plus tard dans les récits d'Héberne où seule la foi est nécessaire, la prière et un certain temps d'incubation avant la guérison n'étant même plus mentionnés dans la plupart des cas. CONCLUSION Cette analyse des guérisons miraculeuses attribuées à saint Martin n'est pas sans reproche. Elle ne peut avoir de bases solides étant donné l'insuffisance des renseignements médicaux. Les symptômes décrits, les circonstances d'apparition, permettent une orientation. L'ancienneté de la maladie et la soudaineté de la guérison sont souvent des arguments favorables à la reconnaissance du miracle. Mais l'ignorance scientifique d'alors et la subjectivité des narrateurs ne facilitent pas notre jugement ou, plus simplement, notre appréciation. Certaines personnes pourront regretter une certaine méfiance que nous avons parfois manifestée. Il faut dire que les auteurs consultés affichent une foi profonde, une foi de charbonnier même, c'est-à-dire qu'ils admettent tout sans discernement. Ce qui nous paraît aujourd'hui explicable ne l'était pas forcément à leur époque. Les notions de physiologie et même d'anatomie étaient plus que rudimentaires. Il faut donc excuser ces historiens de leur ignorance médicale, mais c'est pourquoi aussi, il y avait lieu de corriger certaines erreurs évidentes. Quant aux répercussions psycho-somatiques, relevées à plusieurs reprises, qui nous ont fait récuser l'intervention miraculeuse, ce n'est pas une position personnelle. La commission mixte de Lourdes adopte la même attitude pour la bonne raison que, même à la fin du XX' siècle, on n'a pas la possibilité de juger la part du psychisme dans la maladie et cette commission a pour principe de ne reconnaître que les miracles scientifiquement prouvés et dont la guérison persiste. C'est pourquoi elle ne se prononce parfois que cinq à dix ans après la survenue de la guérison. Elle tient à n'admettre que les cas certains au risque de laisser passer quelques guérisons miraculeuses. Il faut donc le plus possible rester dans les limites de l'objectivité. Toutefois, nous ne voudrions pas conclure sur des considérations trop négatives car, à l'origine des miracles martiniens, d'après les textes de Sulpice Sévère et de Grégoire de Tours, un fait très important doit être dégagé, c'est l'action bénéfique de la prière. Nous l'avions déjà mentionné à propos des aveugles, guéris la plupart du temps par ce moyen seulement. Pour eux, toute guérison ne survient qu'après un temps de prière parfois très long. Quant à Héberne, il insiste, comme Grégoire de Tours, sur la nécessité de demander l'intercession de Martin avec foi et confiance. N'est-ce pas la moindre des choses! Irait-on consulter un médecin si l'on n'avait pas confiance en lui et si l'on n'avait pas l'intention d'observer ses prescriptions ?